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Reviewed by:
  • Scènes capitales. Madrid, Barcelone et le monde théâtral fin de siècle by Jeanne Moisand
  • Jean-Claude Yon
Jeanne Moisand
Scènes capitales. Madrid, Barcelone et le monde théâtral fin de siècle
Madrid, Casa de Velásquez, 2013, 420 p. et VIII p. de pl.

Si le théâtre du Siècle d’or est relativement bien connu en France, l’activité dramatique en Espagne au XIXe siècle l’est beaucoup moins, même parmi les spécialistes d’histoire des spectacles. Aussi l’ouvrage de Jeanne Moisand, tiré de sa thèse de doctorat, a-t-il le grand mérite de combler un vide bibliographique en langue française et de réintégrer l’Espagne dans une histoire européenne des spectacles au XIXe siècle. En outre, son étude – c’est d’ailleurs par ce biais qu’elle est introduite – permet de relativiser la théorie du retard espagnol à l’époque contemporaine. Dans la continuité des travaux d’un certain nombre d’historiens espagnols, J. Moisand choisit d’« investir le terrain du culturel pour prolonger les révisions de l’historiographie récente » (p. 4). Dans une Espagne encore fortement marquée par l’analphabétisme jusqu’au début du XXe siècle, la très forte expansion de la production de spectacles entre 1870 et 1910 est bien évidemment un fait social, culturel et politique de toute première importance.

Tout en multipliant les approches, l’auteure s’intéresse en priorité à l’analyse du système de production théâtrale et, par là même, elle se situe sans ambiguïté dans le prolongement des travaux de son directeur de thèse, Christophe Charle. Plus précisément, la jeune chercheuse revendique une filiation nette avec Théâtre en capitales1, ajoutant Madrid et Barcelone aux quatre villes déjà étudiées par son directeur. En effet, par une approche audacieuse (et très réussie) d’histoire comparée, J. Moisand a concentré son analyse sur ces deux métropoles, enrichissant d’une page originale l’histoire de leurs relations conflictuelles. L’étude conjointe de ces deux capitales culturelles, outre qu’elle illustre la « mise en place d’une double centralisation culturelle dans l’Espagne du XIXe siècle » (p. 14), se révèle fructueuse et le va-et-vient permanent entre les deux villes constitue un moyen efficace d’approfondir et d’affiner les analyses.

Le livre se divise en quatre parties. La première a pour thème « L’espace du théâtre ». J. Moisand commence par brosser un utile panorama des transformations urbaines, sociales et culturelles de Madrid et de Barcelone entre 1870 et 1910, avec une attention particulière accordée à la culture de l’imprimé. En abordant la vie théâtrale, elle souligne d’emblée ce qui en constitue la principale originalité par rapport aux autres pays européens : le développement à partir de 1867 du « théâtre par heure » qui permet à chaque établissement de proposer dans la même journée quatre séances d’une heure, à un prix très accessible. L’étude détaillée de la multiplication des salles permet de mettre en lumière « la densité plus forte de l’offre théâtrale à Madrid et à Barcelone qu’ailleurs [en Europe] » (p. 53). La création de « promenades théâtrales » est à noter, de même que les fortes différences de localisation des salles entre les deux villes. Peu cher, offrant des horaires adaptés aux différents publics, présent dans tous les quartiers, le théâtre est alors « le lieu culturel le moins clivé » (p. 58). L’analyse des mutations architecturales et géographiques des salles (qui ne s’appuie hélas que sur une iconographie restreinte du fait sans doute de contraintes éditoriales) pose notamment la question du « théâtre national » à Madrid et celle du lien entre théâtre et identité catalane à Barcelone. Cette dernière ville, au reste, se singularise par sa profusion de salles associatives et par le développement, après 1900, de modestes « cabanes de spectacle ».

Dans la deuxième partie (« Capital et...

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