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  • Seigneurs et condottières : les Dal Verme. Appartenances sociales, constructions étatiques et pratiques politiques dans l’Italie de la Renaissance by Pierre Savy
  • Jean-Baptiste Delzant
Pierre Savy
Seigneurs et condottières : les Dal Verme. Appartenances sociales, constructions étatiques et pratiques politiques dans l’Italie de la Renaissance
Rome, École française de Rome, 2013, 616 p. et 8 p. de pl.

Pierre Savy consacre à la famille Dal Verme une monographie imposante issue de sa thèse de doctorat. Il propose de suivre la parabole d’un lignage du début du XIVe à la fin du XVe siècle, de Vérone jusqu’aux alentours de Plaisance, au sud du Pô. Après avoir évoqué les problèmes posés par ce type d’enquête, telles l’illusion rétrospective de la cohérence du groupe ou la question de sa représentativité, il définit une démarche qui offre un véritable effet de levier. Variant les échelles d’observation, il traite de grandes questions historiographiques soulevées et incarnées par les membres d’une lignée, ainsi de l’État régional et de ses liens avec la féodalité, de l’imbrication des États, de l’appartenance et de la mobilité sociales. Le va-et-vient entre l’étude monographique précise et les thématiques larges permet de rendre compte de rythmes différents. Avec des accélérations ou des arrêts sur telle ou telle séquence, les temps suivis s’enchevêtrent, celui de l’individu et celui de sa famille, celui de grandes entités comme Venise ou Milan.

Ces choix d’écriture aboutissent à des résultats riches et stimulants. Ils confrontent les niveaux d’analyse sans céder à la facilité qui verrait en l’un les principes déterminants des autres. La méthode permet d’aborder une situation documentaire contrastée et de traiter un large éventail typologique et géographique de fonds. P. Savy a étudié une quantité très importante de sources conservées à Milan, Padoue, Venise ou Plaisance, mais aussi à Bobbio ou Voghera. Il a accédé aux archives privées des Dal Verme, dont seule une partie a été versée à l’Archivio di Stato de Vérone. De là provient un document monumental, un « cartulaire seigneurial laïque » (p. 57) composé à la fin du XVe siècle et depuis longtemps oublié. Mine d’informations factuelles, cette « heureuse trouvaille » (p. 382) renseigne en outre sur les modalités de production documentaire, sur l’entretien de la mémoire familiale dans la longue durée, ainsi que sur la conception qu’ont les seigneurs de leurs territoires puisque les documents y sont classés selon un critère topographique.

Après un état des lieux historiographique, une réflexion autour de notions clefs telles que « famille» et « noblesse » et une présentation des sources, l’ouvrage se développe en six chapitres retraçant la trajectoire des Dal Verme : ascension, apogée et déclin. Il comporte de riches annexes où sont publiés de nombreux textes ainsi qu’un regeste du cartulaire.

Le parcours de membres éminents de la famille Dal Verme peut être suivi à Vérone dès la fin du XIIe siècle. Experts du droit et des affaires publiques, ils possèdent les traits habituels de l’élite communale d’alors. Une première rupture apparaît avec Pietro dans la [End Page 806] seconde moitié du Trecento. Soutien des Della Scala, l’homme se spécialise dans le domaine militaire, fait carrière comme podestat et multiplie les acquisitions de terres dans le contado. Un mauvais choix politique le contraint à l’exil et redéfinit la trajectoire des siens. Son fils Luchino se met au service des Visconti puis de Venise. Il engage sa lignée dans le métier des armes, qui devient « le fondement de la puissance familiale » (p. 101).

Les Dal Verme suivent un double mouvement de « déprovincialisation » – de la Vénétie vers la Lombardie, sans que les attaches avec la ville d’origine soient rompues – et de « terrianisation», de la ville et de la commune vers la...

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