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  • Lutter contre les Turcs. Les formes nouvelles de la croisade pontificale au XVe siècle by Benjamin Weber
  • Dominique Valérian
Benjamin Weber
Lutter contre les Turcs. Les formes nouvelles de la croisade pontificale au XVe siècle
Rome, École française de Rome, 2013, VIII-594 p.

L’échec des croisades et projets de croisade du XVe siècle contre les Ottomans a souvent été sévèrement jugé par les historiens qui ont considéré que la papauté n’avait pas su développer une politique efficace face à ce danger qui menaçait la chrétienté. Le livre de Benjamin Weber, tiré de sa thèse, entend [End Page 797] analyser la cohérence de ce programme pour mieux saisir les causes de son échec, sans s’enfermer dans des distinctions stériles entre vraies et fausses croisades, ou dans un discours idéologique sur la faute supposée de la papauté vis-à-vis de la chrétienté (ou de l’Europe). La documentation mobilisée provient pour l’essentiel des archives romaines et combine les lettres et bulles pontificales d’un côté, les sources comptables de l’autre. Ce corpus considérable guide en partie la réflexion de l’auteur, mais constitue aussi une des limites de son travail.

Il lui permet d’aborder la politique pontificale à l’égard des Turcs dans sa globalité et d’analyser avec une grande précision les projets et leur concrétisation (quand elle a lieu), mais aussi le discours qui accompagne ces entreprises, en direction de la chrétienté et des princes en particulier, comme à l’intérieur de l’Église. L’étude porte sur les années 1420-1481, marquées par un triple contexte : la reconstruction par la papauté de son autorité sur la chrétienté, de retour à Rome après le Grand Schisme ; la phase d’expansion territoriale des Ottomans, couronnée par la prise de Constantinople en 1453 et une avancée dans les Balkans ; enfin, la montée des sentiments nationaux et de construction des États chez les princes chrétiens d’Europe. B. Weber analyse l’évolution de l’idée et de la pratique de la croisade dans ce contexte, mais toujours en prenant soin de souligner les éléments de continuité, les héritages implicites, assumés ou revendiqués des croisades précédentes, grâce à une très bonne connaissance de la bibliographie, pléthorique sur la question, ce qui lui permet de dégager les spécificités de la politique pontificale au XVe siècle.

Celle-ci s’appuie sur une analyse de la situation géopolitique et religieuse en Orient induite par les conquêtes ottomanes, laquelle est rendue possible par la collecte d’informations auprès de sources multiples : envoyés, voyageurs, pèlerins, mais aussi réfugiés orientaux installés en nombre à Rome, qui, sans être toujours impartiaux, permettaient d’avoir une connaissance de certaines réalités de l’empire ottoman et du Proche-Orient en général (moins pour les régions plus lointaines). Elle s’appuie également sur les leçons des échecs successifs de la croisade et les difficultés rencontrées par les papes pour mettre en œuvre leurs projets. Cela se traduit par un déplacement des objectifs et des priorités, Jérusalem et les mamelouks passant progressivement au second plan pour laisser la place aux Ottomans qui menacent Constantinople, puis très rapidement l’Europe, désormais directement concernée. D’une perspective religieuse fortement marquée par la nécessité traditionnelle de libération des Lieux saints, on passe donc à une vision plus géopolitique de la menace ottomane. Il en résulte des stratégies qui évoluent au cours du siècle, au gré des changements d’équilibres politiques, des alliances, mais aussi des échecs successifs dont les papes tentent de tirer des enseignements. Ces stratégies empruntent sur plus d’un point aux croisades ou projets de croisade qui ont précédé, mais aussi innovent et s’adaptent.

Sur le plan militaire, l’usage coordonné des moyens navals et terrestres reste privilégi...

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