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Reviewed by:
  • Des chrétiens contre les croisades, XIIe-XIIIe siècle by Martin Aurell
  • Camille Rouxpetel
Martin Aurell
Des chrétiens contre les croisades, XIIe-XIIIe siècle
Paris, Fayard, 2013, 407 p.

Nouveau témoignage du dynamisme de la recherche sur les croisades, le dernier ouvrage de Martin Aurell entend faire apparaître les « quelques brèches [qui] lézardent la façade de la belle unanimité autour de la conquête et de la défense des lieux saints » (p. 11). L’ouvrage s’insère dans une bibliographie abondante, mais déséquilibrée : si les études sur les croisades abondent, les travaux consacrés à l’opposition des contemporains se font rares 1. Si ce déséquilibre historiographique est le reflet de la marginalité des critiques de la croisade au sein de la documentation médiévale, la mise au jour de ces voix divergentes révèle des enjeux aussi bien économiques et politiques que culturels et religieux, au croisement de préoccupations toutes occidentales, mais aussi de préoccupations nouvelles nées de la rencontre avec les Sarrasins, cet Autre auquel se confrontent les Latins partis pour la Terre sainte.

L’ouvrage est divisé en quatre parties organisées selon un plan chronologique, les deux premières concernant un large XIIe siècle et les deux suivantes le XIIIe siècle. La première partie est consacrée aux critiques suscitées par les massacres de la première croisade (1096-1099), puis par l’échec de la deuxième (1147-1148), critiques fondées sur un pacifisme évangélique et une interprétation pénitentielle de la défaite. La deuxième partie est centrée sur les accusations visant les croisés et leur incapacité à reprendre Jérusalem, de la prise de la cité sainte par Saladin (1187) à l’échec de la cinquième croisade (1217-1221). Sont également évoqués les débuts de l’entreprise missionnaire. La troisième partie analyse les critiques nées du « détournement de la croisade », du sac de Constantinople (1204) à la guerre menée contre les Gibelins et les Catalans (1250-1302), en passant par la croisade albigeoise. La dernière partie porte sur les reproches liés à la fin des États latins d’Orient, jusqu’à la chute d’Acre (1291).

Le plan adopté met en évidence, d’une part, l’accroissement des contestations de la croisade entre les XIIe et XIIIe siècles, concomitant de l’essor de l’idéologie missionnaire et, d’autre part, le poids des facteurs conjoncturels sur lesdites contestations, au premier rang desquels le déroulement des croisades successives et, plus particulièrement, le sac de Constantinople lors de la quatrième croisade, l’échec de la croisade de saint Louis ou la chute d’Acre. Cette logique chronologique se double d’une approche fondée sur l’étude de la pensée d’acteurs singuliers, permettant de saisir, à travers l’expression de voix dissonantes, un phénomène plus général, celui du rejet de la croisade par une partie de ses contemporains, pour diverses raisons. Au-delà d’une gradation des contestations entre les XIIe et XIIIe siècles, il est possible de définir plusieurs attitudes, du simple doute à l’opposition résolue, en passant par la critique, ainsi que plusieurs thèmes structurant ces attitudes : un pacifisme fondé sur les évangiles, la mise en cause des péchés des hommes et une lecture pénitentielle des épreuves et des échecs subis par les croisés, la contestation des choix tactiques et le refus du coût humain et économique des croisades.

Le choix d’une démarche chronologique permet au lecteur de suivre aisément le déploiement d’une pensée particulièrement claire. Il permet également de montrer l’insertion de telle ou telle critique dans des temporalités plus fines, ou leur convergence et leur utilisation au service de stratégies de légitimation qui dépassent le simple cadre de l’entreprise croisée. Ainsi l’analyse, dans la deuxième partie de l’ouvrage, des critiques...

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