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Reviewed by:
  • Images et magie. Picatrix entre Orient et Occident ed. by Jean-Patrice Boudet, Anna Caiozzo et Nicolas Weill-Parot
  • Béatrice Delaurenti
Jean-Patrice Boudet, Anna Caiozzo et Nicolas Weill-Parot (éd.)
Images et magie. Picatrix entre Orient et Occident
Paris, Honoré Champion, 2011, 389 p. et 16 p. de pl.

Le traité de magie astrale Picatrix a été compilé au Xe ou au XIe siècle dans l’Espagne musulmane à partir d’un matériau hétéroclite venu d’Orient. La version initiale, rédigée en [End Page 791] langue arabe, portait le nom de Ghāyat al-ḥakīm (Le but du sage). Elle a circulé dans les milieux savants islamiques avant d’être traduite à la cour d’Alphonse X le Sage, d’abord en castillan (entre 1256 et 1258), puis quelque temps après en latin, à partir de la version castillane, sous le nom de Picatrix. Les premières années du traité latin restent obscures : seules quelques copies ont survécu avant le milieu du XVe siècle, et le Picatrix n’est pas cité par les auteurs latins avant cette date. Sa fortune commence à la Renaissance ; il devient alors l’un des plus célèbres manuels de magie issu du monde médiéval.

Cette histoire textuelle compliquée donne au Picatrix un profil fascinant, mais également redoutable : par son origine orientale et par son parcours linguistique, il se situe à la croisée de traditions divergentes, rarement étudiées ensemble. Les premières entreprises historiques qui le concernent débutent en 1885 ; elles s’étoffent dans l’entre-deux-guerres mais se heurtent à de nombreux obstacles que Charles Burnett relate dans un article savoureux fondé sur la correspondance savante. C’est à l’historien David Pingree, « chevalier sans peur et sans reproche » (p. 32), que l’on doit d’avoir repris le chantier dans les années 1980 : il a publié une étude des sources orientales du fameux manuel, puis édité la version latine de l’ouvrage ainsi que des fragments de la version castillane 1. Depuis les travaux de D. Pingree, le Picatrix a suscité les interrogations des médiévistes, aussi bien les spécialistes du monde arabe que de la scolastique latine.

Les uns et les autres sont représentés dans ce volume collectif. La première partie concerne les origines du Picatrix, la troisième partie sa postérité et sa parenté. Les contributions d’Anna Caiozzo, Godefroid de Callataÿ et Živa Vesel évoquent les Sabéens de Harran, communauté préislamique de Haute-Mésopotamie dont la philosophie et les pratiques astrolâtres nourrissent les rituels présentés dans la Ghāyat al-ḥakīm. Constant Hamès met en évidence les sources hellénistiques de l’œuvre, puis son islamisation et, dès lors, sa postérité dans le monde islamique. D’autres auteurs n’étudient pas directement la Ghāyat, mais certaines sources parallèles ou postérieures caractéristiques de la magie astrale arabe (Émilie Savage-Smith, Anne Regourd) ou hébraïque (Reimund Leicht). Deux contributions envisagent le contexte de circulation de la magie astrale dans le monde latin : Alejandro García Avilés effectue une comparaison entre sources doctrinales et sources issues de « la culture visuelle » (p. 111) ; Sophie Page analyse la place des sacrifices d’animaux dans différentes traditions de magie et, plus largement, dans la culture chrétienne. Enfin, la réception du Picatrix latin à la Renaissance est étudiée par Kocku von Stuckrad, Vittoria Perrone Compagni et Luisa Capodeci, laquelle retrace la fortune moderne et contemporaine du « talisman de Catherine de Médicis » (p. 342) : cette médaille aux inscriptions obscures, dont la plus ancienne mention écrite ne remonte pas au-delà de 1696, aurait été fabriquée selon les principes astrologiques établis dans le Picatrix, repris et développés dans le traité De occulta philosophia de Cornelius Agrippa. Cet ensemble de contributions montre combien l’étude de la transmission des textes est indispensable pour conduire l’analyse historique d’un ouvrage tel que le Picatrix, et qu’elle précède et accompagne l’étude des rituels et des th...

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