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Reviewed by:
  • La taifa de Denia et la Méditerranée au XIe siècle by Travis Bruce
  • Cyrille Aillet
Travis Bruce
La taifa de Denia et la Méditerranée au XIe siècle
Toulouse, CNRS-Université de Toulouse-Le Mirail, 2013, 385 p.

Cet ouvrage constitue l’aboutissement d’une thèse de doctorat soutenue en France par Travis Bruce. Le double ancrage intellectuel français et américain de l’auteur a sans nul doute contribué au désenclavement de son point de vue sur la taifa levantine de Denia (1010-1076), l’une des principautés musulmanes nées sur les décombres du califat omeyyade de Cordoue, et qui finit par être absorbée par son puissant voisin, le royaume de Saragosse. Quiconque s’intéresse au commerce dans la Méditerranée médiévale, aux relations islamochrétiennes et à l’histoire d’al-Andalus tirera profit de la lecture de ce livre stimulant.

Il faut rappeler que l'eclatement de l’unité territoriale, qui avait été incarnée par le califat au Xe siècle, valut aux « fractions » rivales (ṭā’ifa) qui se disputèrent al-Andalus des jugements sévères de la part des lettrés contemporains, emportés eux aussi dans la tourmente de la guerre civile. Engendrés et séparés par la discorde (fitna), ces États parfois éphémères durent toutefois rivaliser de créativité pour forger à l’usage de leurs populations des langages politiques qui, tout en puisant à la source commune du mythe califal, se différenciaient pour mieux se distinguer. David Wasserstein, Pierre Guichard, François Clément ou Bruna Soravia - pour ne citer qu’eux - avaient déjà contribué à faire connaître l’inventivité de ce XIe siècle andalou, mais il est vrai que l’on manque encore cruellement de sommes de référence dédiées à chacune des formations politiques de cette période. Une telle démarche nécessite de croiser textes arabes et latins, sources textuelles et matérielles, exigence à laquelle T. Bruce a su répondre en allant puiser dans les chroniques castillanes et arago-catalanes, dans les archives des cités concurrentes et des partenaires maritimes de Denia (Barcelone, Gênes, Pise), tout en intégrant les résultats de fouilles ou de prospections menées dans la région - auxquels il aurait pu néanmoins réserver plus de visibilité - et en s’intéressant de très près aux monnayages locaux. Certes, une présentation d’ensemble de ce corpus et un bilan de l’historiographie antérieure (en particulier la production en langues espagnole, catalane et italienne) auraient pu donner au lecteur, dès l’introduction, une idée un peu plus précise du champ dans lequel évoluait l’enquête. Ses apports spécifiques apparaissent toutefois au cours de la lecture.

La façade orientale d’al-Andalus fut animée dès le IXe siècle par le commerce avec l’Afrique du Nord et par les opérations de piraterie lancées sur les côtes chrétiennes par [End Page 788] des communautés de marins comme celle de Pechina, fondée en 884. La côte du Levant joua ensuite un rôle majeur dans la politique maritime du califat, rythmée par la course et par les premiers accords de commerce avec les puissances chrétiennes du bassin occidental de la Méditerranée. Néanmoins, pendant toute cette première période du IXe au Xe siècle, Denia n’etait qu’un port secondaire. Elle ne prit son essor qu’en devenant la capitale d’une principauté autonome fondée par al-Mujāhid al-‘ Āmirī en 1010. Ancien esclave « slave », c’est-à-dire capturé dans le monde latin, celuici faisait partie des nombreux clients que le tout-puissant « protecteur » du califat, le ḥājib al-Manṣūr, avait installés dans le Levant. Critiquant la grille d’explication ethnique qui a longtemps prévalu pour expliquer la répartition des taifas, T. Bruce précise à juste titre que les « esclavons » (Ṣaqāliba) ne formaient ni un groupe...

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