In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • La terre dans le monde romain : anthropologie, droit, géographie by Gérard Chouquer
  • Jean-Pierre Guilhembet
Gérard Chouquer
La terre dans le monde romain : anthropologie, droit, géographie
Paris, Errance, 2010, 355 p. dont 8 p. de pl.

Une discipline ne saurait vivre ou survivre si elle ne produit pas des manuels adéquats. Les fondateurs de la revue des Annales avaient d’ailleurs pris le parti de consacrer un espace non [End Page 782] négligeable à cette catégorie des « manuels », entendue au sens large, dans la rubrique des comptes rendus. Ce nouveau livre sur la terre dans le monde romain, dont la catégorisation n’est toutefois pas si simple, y a donc tout à fait sa place. En l’occurrence, il s’agit d’une spécialisation émergente, l’archéogéographie, dont la visibilité est assurée par le site internet déjà très riche d’archeogeographie.org et la reconnaissance par l’article qui lui est consacré dans la nouvelle édition du Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés 1. Le public visé par Gérard Chouquer est celui des « lecteurs non spécialistes » (p. 18).

De fait, les interprétations des extraits des gromatiques, des documents épigraphiques, des textes juridiques, ou des nombreuses images, sont présentées sur un mode didactique tout à fait bienvenu. Le souci de faire réémerger les concepts antiques, en les dépouillant de la gangue des études menées depuis la Renaissance, de la surimpression déformante tant des notions modernes et ambiguës de « propriété » ou de « cadastre » que des pratiques ou droits coloniaux modernes, procède du même objectif. Grâce à cette « archéologie du savoir » pratiquée sur deux strates, l’une moderne, l’autre antique, une salutaire prise de conscience des éventuels écueils méthodologiques est rendue possible, y compris par le lecteur peu féru de droit, de fiscalité, d’historiographie ou de structures agraires. Toutes les notions sont traduites et clairement définies ; l’index général permet de disposer d’un quasi-dictionnaire – ce qui fait d’autant plus regretter l’absence d’un outil similaire pour les sources. En effet, non seulement les extraits sont proposés en français, ce qui constitue toujours un engagement doctrinal, en général explicité, mais les passages les plus délicats sont commentés autant que nécessaire, ce qui se révèle tout à fait précieux ; nomenclatures et typologies abondent (les facettes du métier d’arpenteur, les formae et documents afférents...). De nombreux tableaux ou schémas très pédagogiques ponctuent le texte, facilitent la compréhension et soumettent la construction intellectuelle à la critique.

Néanmoins, dans bien des chapitres, on se situe plutôt du côté de l’essai, voire du manifeste. Les prérequis sont donc substantiels, car le texte est exigeant, volontiers abstrait, et la matière ardue (il est d’ailleurs sagement conseillé d’avoir à portée de la main un manuel antérieur, rédigé avec François Favory 2). On se trouve en effet placé à la croisée de l’histoire des mots, de l’histoire intellectuelle, des techniques et de la fiscalité, signe d’un fort élargissement des problématiques depuis les travaux sur les « cadastres » des années 1980. La dimension fiscale est désormais intégrée à la réflexion. Avec la thématique de la conception et de la maîtrise de l’espace, le dialogue est ouvertement engagé, polémique à l’occasion, avec les historiens de la rationalité romaine. Le volume est composé de deux volets dont l’un est consacré à une approche juridique et anthropologique, généraliste, qui pose les concepts, et l’autre à la terre à Rome, « entre droit et arpentage », qui aborde des dossiers fondamentaux (catégories juridiques, fiscalités fondiaire et vectigalienne, techniques d’arpentage et d’enregistrement, prise en compte de l’instabilité naturelle, technique ou historique et des mutations, controverses agraires). Sans entrer dans le détail des développements très analytiques, on se bornera à énumérer succinctement les centres d’intérêt essentiels...

pdf

Share