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464 LETTERS IN CANADA: 1964 an academic career should read two books, D. G. Creighton's Harold Adams Innis: Portrait of a Scholar and E. A. Corbett's We Have with Us Tonight. The first made clear what scholarship means, the second depicted an entirely different hut nonetheless valid part of the university life-"the magic lantern rather than the microfilm, the women's institute rather than the faculty committee, the salesman's life rather than the intellectual's." I went on to argue that in the twentieth century the university had many roles to play and that "it needs Corbetts as well as Innises." It also needs Sissonses-the classroom teacher primarily concerned with students and in love with life. This is a third book a student contemplating an academic career should read. LIVRES EN FRAN<;:AIS LA POESIE Guy Sylvestre Ce qu'il faut souligner d'abord dans cette chronique, c'est la place importante que les poetesses ont prise dans la production poetique de l'annee 1964. Cela est d'autant plus remarquable que les deux« grandes» de la poesie canadienne fran~aise n'ont rien publie cette annee-Ia. Mais, it la suite d'Anne Hebert et de Rina Lasnier, toute une equipe de jeunes poetesses donnent la replique aux hommes et apportent une contribution importante it la poesie vivante d'aujourd'hui. On ne Ie croirait pas It lire Ie premier tome de Litterature du Quebec (Librairie Deom, pp. 333, $3.50) edite par Guy Robert et qui est un recueil de poesies et de temoignages de dix-sept poetes ; recueil qui renferme beaucoup de textes fort interessants, mais qui est mal con,u, mal ordonne et coiff" d'une introduction cliscutable et mal ecrite. Le recueil souligne neanmoins que la poesie est devenue au Canada fran,ais une chose grave, une aventure spirituelle, une parole de vie. Gest aussi ce que nous confirment les meilleurs recueils de l'annee, dont quelques-uns sont l'ceuvre de poetesses It la voix desquelles nous ne saurians rester insensibles. Le demier recueil de Marie-Claire Blais, Existences (Quebec: Editions Garneau, pp. 51, $1.50) est peut-etre son meilleur livre depuis sa Belle LIVRES EN FRAN9AIS 465 Bhe ; c'est en tout cas son plus important reeueil de poeSles Ii date. On y retrouve les personnages insolites de ses reeeits, mais ici ils n'ant plus de noms, ils n'ont guere de visages non plus; ce sont des fantomes qui ant une valeur de symbole dans ces reves eveilles d'une femme extremement sensible et emotive, qui ne distingue pas toujours Ie reeve de la realite et qui fait passer devant nos yeux comme une sorte de film discontinu qui est une suite de cauchemars entrecoupes de quelques images de paix calme et de joie tranquille. Comme Ie titre I'indique, I'auteur nous donne Ii voir des mirages qui sont des existences plus reelles que la realite quotidienne. Dans ce monde plein de tenebres et de malefices passent des pendus, des exiles et surtout des enfants, beaucoup d'enfants, des enfants mons, des fils absents, d'autres Rentres de la chasse Avec leurs bottes souilJees de sang Les oreilles pleines des cris de leurs proies Sous l'inforrune immense du del. Cette V1SlOn pleine de sang et de cris est caracteristique du style de I'auteur : visions d'une femme qui enfante par I'imagination les enfants dont e1le reve, mais pour les plonger dans un monde plein d'embUches et de tourments par Ie truchement desquels e1le confesse ses propres peurs et angoisses. II lui arrive de trouver un ton plus simple, un accent plus serein, notamment dans la suite intitulee L'amante au e1le evoque les caresses de I'homme fort qui lui sont un refuge contre les malefices du monde, rnais au dela desquelles e1le retrouve la solirude premiere et essentielle qui est Ii la source de ses angoisses et qu'elle a evoquee avec une belle simplicite Les montagnes les oiseaux epars Le del froid sur les champs La campagne nue et seule Je suis plus seule que tout cela ... Suzanne Paradis, par contre, celebre bien plutot la fratemite humaine que la solitude et SOn enthousiasme contraste avec la poesie noire de Marie-Claire Blais. C'est un rare merite que celui de Suzanne Paradis d'avoir su nous rappeler qu'on peut faire de la bonne poesie avec de bans sentiments, et de surcrolt en renouvelant des formes tradhionnelles. Elle I'a fait avec un rare bonheur dans La chasse aux autres, mais je crains qu'il faille deplorer un certain recul de son genie dans son demier recueil, Pour les enfants des morts (Editions Garneau, pp. 147, $2.25). Elle 466 LETTERS IN CANADA: 1964 est sans doute la victime de sa ferveur et de sa facilite et e1le laisse son imagination errer avec une gratuite excessive et sans ordre, alars qu'on esperait la voir orchestrer un theme qui paraissait riche en possibilites. Ce desordre est d'autant plus decevant que les elements qui s'y retrouvent etaient valables. Ce qui distingue ce recueil, c'est qu'on y trouve beaucoup de beaux vers, et tres peu de bons paemes. Presque tous sont d'assez longs discours dont les parties se tiennent mal, rnais au se retrouvent, repris sous mille formes, toujours les memes themes de la fecondite de I'amour partage, de I'efficacite de I'action courageuse et soutenue et de la fecondite de I'esperance. Cette poesie jeune et enthousiaste a quelque chose d'americain ; la voix de Suzanne Paradis est une voix de ce nouveau monde qui n'a pas encore ete marque par des siecles des civilisation. Elle ales qualites de la jeunesse, mais e1le en a aussi les defauts. II faut esperer qu'elle saura mettre un frein ala fureur des aots. La demarche po~tique de Cecile Cloutier est, au contraire, d'un laconisme extreme, Ie plus grand avec celui de Gertrude Lemoyne et de Maurice Beaulieu. Son deuxieme recueil, Cuivre et soies (Editions du Jour, pp. 74, $1.50) qui reprend son premier, Les mains de sable, con6rme que cette poetesse a quelque chose du sculpteur de miniatures, mais qu'elle aime couvrir de soieries miroitantes des formes qui sanS elles seraient nettes mais froides, bien qu'elle parle de « la caresse douce d'un rocher» au du « geste de marbre chaud » . II Ya partout dans cette poesie cette double constance de la recherche de ce qui dure symbolise par I'acier au Ie cuivre, et de la presence fragile de ce qui est perissable symbolise par Ia chair ou la soie. Le metal repond au besoin d'etemite COmme iI symbolise aussi la certitude et Ia purete ; rnais Ia poetesse n'echappe pas it I'impurete de Ia vie, qui est recherche dans Ia nnit et participation de Ia chair al'aventure de l'esprit. Dans cette ceuvre qui ne souffre rien d'inutile, Cecile Cloutier a reussi ases meilleurs moments it assurer la duree du Iangage it ses aspirations et ases sentiments qui sont ceux d'une femme attiree autant par Ia tentation de l'instant que par Ie ciel des 6xes et qui cherche it concilier les deux dans l'harmonie du Iangage. Les poemes de Gertrude LeMoyne sont, eux aussi, d'un Iaconisme extreme, d'une egale precision, d'une c1arte presque excessive; mais ils sont mains toumes vers Ie monde, ils sont Ia breve notation de moments intenses, moments plus souvent douloureux que joyeux. Camme Ie titre l'indique, ces Factures acquittees (Editions de I'Hexagone, pp. 29, $1.25) sont comme Ie dossier de ce que Ia vie a preleve sur Ies richesses de l'auteur et ces pages breves, denses et essentielles inspirees par l'arnour de~u, l'ennui, la solitude ont sans doute une valeur d'exorcisme et aident l'auteur it echapper au desespoir en survivant aux « petites morts» dout elle recite la Iitanie. II y a ici et lit un mouvement de colere et de revolte, mais la poetesse retrouve toujours la serenite et la dignite de celIe qui sait dominer son destin. Ces petits poemes ne sont pas une grande reussite poetique ; ils sont neanmoins Ie temoignage d'une destinee douloureuse assumee avec lucidite et courage. C'est tout Ie contraire qu'on trouve chez Gemma Tremblay, Andree Chaurette et Frederique Valois. A la rigueur de Cecile Cloutier et de Gertrude LeMoyne, Gemma Tremblay oppose dans Sequences du poeme (Paris: Jean Grassin, pp. 41 (8 F) $2.00) un constant effort pour epater Ie lecteur par des accouplements de mots qui veulent faire choc et creer un etat de paroxysme continuo II y a ici un climat de violence auquel on ne croit pas ; un verbalisme aussi artiliciel nous gate quelques passages mieux reussis qui apparaissent comme des accidents. II ne semble pas y avoir non plus de necessite interieure it I'origine des poesies reunies dans La cellule enneigee (Editions de l'Hexagone, pp. 40, $1.25) d'Andree Chaurette. Iei Ie dessein du poete est aussi obscur que son ecriture et ses symboles ; nous sommes transportes dans un monde irr"el, et ce depaysement est I'expression d'un refus du monde exterieur. La cellule enneigee est Ie refuge du poete ; nous n'y penetrons pas facilement. Les premiers poemes de Frederique Valois sont aussi des depaysements, et ils ne manquent pas de charme. Mais ces Refiets de herylune (Centre de Psychologie et de Pedagogie, pp. 55, $2.25) ne sont pas de veritables poemes, mais une serie de sensations et d'intuitions. Les meilleures pages du livre sont cependant les poemes en prose d'une belle musicalite ou des personnages mysterieux errent dans des espaces evoques avec une opulence verbale assez peu commune. Contrairement it ces poetesses qui se refugient dans un monde reve pour echapper it la realite, Andree Maillet puise son inspiration dans les elements - I'air, I'eau, la terre, Ie feu - d'ou Ie titre de SOn recueil, Elementaires (Librairie Deom, pp. 57, $2.00). Cette poesie de forme tres libre vaut sans doute plus par son inspiration que par son ecriture ; elle a Ie merite neanmoins d'aller vers les choses avec humilite, et surtout vers I'eau, Ie Saint-Laurent, les glaces, la banquise. De ces realites canadiennes e1le parle avec un accent canadien qui rappelle parfois celui de Paul-Marie Lapointe. Pour etre complet iI faut citer les poesies badines qu'Elina Cliece a reunies dans Menuailles (Ottawa: Editions du Coin du Livre, pp. 51), ainsi que L'Arbre du jour (Editions Garneau, pp. 70, $2.00) dans lequel Alice Lemieux-Levesque chante avec simplicite et 468 LETTERS IN CANADA: 1964 tendresse les souvenirs qu'elle partage avec celui qu'elle a accompagne toute la vie. Poesie sans eclat, mais sincere et d'un gout discret. Parmi les peetes consacres par Ie temps, bien peu ont publie en 1964. Fran,ois Hertel, dont la veine semble tarie it jamais, a reuni dans Anthologie 1934-1964 (Paris: Editions de la Diaspora fran<;aise, pp. 138, 12 F) les meilleures pages de ses huit recueils de poesies, tous epuises. Le choix est heureux. Un troisieme recueil d'Ernest Pallascio-Morin, Autopsie du secret (Editions Garneau, pp. 78, $2.00) reunit des poesies de moraliste plutot desabuse qui r~ve d'un monde de foi, d'esperance et d'amour rnais se heurte au spectacle attristant des miseres physiques et morales. De meme, parmi les debutants de I'annee, Jean Gibea Beaudoin a voulu peindre les horreurs de la guerre dans Guerre de sang (Editions du Lys, pp. 90, $1.75), et iI I'a fait avec une violence excessive. La poesie est autre chose. II n'y a pas moins de violence dans Etre de fer (Editions du Lys, n.p., $1.50) OU Raymond Baux crie son horreur du monde Oll il a ete jete. Mais I'art n'y trouve pas son compte, nOn plus que dans Les essais rouges de Claude Peloquin (Publication Alouette, pp. 70, $1.50), les Feux nocturnes de Claude Rousseau (s.l.n.d. et n.p.), Pour chanter dans les chaines de Michel Beaulieu (Editions Ia Que16coise , n.p., $1.25), Generation de Michel Regnier (Quebec: Editions de I'Arc, pp. 107, $2.00), Eldorado d'Andre Pronovost (Editions Phenix, pp. 52). De meme, dans Veines (Librairie Deom, pp. 93, $2.00) Yves Mongeau s'abandonne it un verbalisme creux; tandis que Rene Pageau a multiplie les Iieux communs et Ies images usees dans Solitude des ;les (Editions de I'Atelier, pp. 77, $1.50), un recueil qui nous rappelle que Ia plus vertueuse application ne fait pas naltre Ia poesie. Ce n'est pas de Ia poesie non plus que Ies Fables de Louis Landry (Cercle du Livre de France, pp. 159, $2.50), mais ces recits moralisateurs ecrits dans les formes traditionnelles rappellent sur un ton souvent amusant des verites de la sagesse seculaire. Par contre, il n'y a peut-etre pas d'ceuvre poetique canadienne qui soit plus difficile it circonscrire et iI dMinir que celie de Paul-Marie Lapointe. II y en a certes peu qui manifestent avec autant d'evidence Ie temperament poetique de leur auteur; il y en a peu aussi qui semblent autant etre Ie produit de I'improvisation, n'o16ir iI aucune loi du langage, journal intime d'un homme qui prend la cle des champs et donne libre cours it son imagination. Cette ceuvre n'en est toutefois pas une de vacances, car Ie poete n'echappe pas it son destin d'homme et, dans Ie desordre apparent de l'ceuvre on peut retrouver quelques themes essentiels qui sont graves. On retrouve dans son dernier recueil, Pour les ames (Editions de I'Hexagone, pp. 71, $1.75) la nostalgie de cette liberte de I'enfance qui donne comme un fonds de tristesse it cette ceuvre au surgissent ici et lit diverses evocations de la misere du quotidien, de I'ceuvre ininterrompue de la mort et de la crainte non mains incessante d'une catastrophe toujours possible-Ie demier poeme du recueil s'intitule ICBM. A quai il faut ajouter la desolation de I'hiver canadien et I'attrait des tropiques: l'outarde attristee s'envole mais qu'apres avair enchante les lacs elle disparaisse aux plus torrides paralleles tel est l'effroi des neiges. Contre ce froid de I'hiver, il n'est pas de defense plus puissante que I'amour, et il y a une forte veine erotique chez Paul-Marie Lapointe, deja presente dans son premier recueil (Le Vierge incendie, 1948), presente encore presque partout dans Arbres (1960) et presente encore ici au Ie poete nous dit: tout se trame dans un baiser respoir et Ie pain l'audace de passeder la terre L'amour n'est pas ici seulement I'aventure du couple, c'est lui qui fonde les relations avec les hommes et un ordre social nouveau. Cette poesie a aussi une resonance sociale, comme e1le a une dimension interieure Ie titre de ce recueil, on ne I'oublie pas, est Pour les dmes - et dans la plus belle page de ce livre, cette Epitaphe pour un jeune re1701te, PaulMarie Lapointe affirme la suprematie de I'amour et sa victoire sur la mort m~me: tu ne mourras pas un oiseau portera tes cendres dans l'aile d'une fourrure plus etale et plus chaude que l'ete aussi blonde aussi folie que !'invention de la lumiere... Nous sommes, en fait, en presence d'un nouveau romantisme. Cette nostalgie de I'enfance, ce fonds de tristesse qu'inspire Ie quotidien, cette image de la mort, cette fuite des oiseaux vers les terres chaudes, cette valeur redemptrice de I'amour, voire cette esperance en un avenir meilleur , en une societe quasi paradisiaque - tout cela n'a rien de tres nouveau. Ce qui est nouveau ici, c'est Ie ton du poete, c'est sa langue depouillee, c'est Ie caractere discontinu du style, et ce sont aussi les allusions aux realites d'aujourd'hui. Et puis, malgre Ie pain dur que les hommes doivent partager pour continuer it vivre, !'irrepressible tendresse que Ie poete eprouve pour la femme donne It son ceuvre une chaleur qui plus que toute autre chose la rend habitable. '1lU LE'ITERS IN CANADA: ];Jb'l On retrouve des themes analogues dans Du temps que j'aime de Luc Perrier (Editions de 1'Hexagone, 1963, pp. 47, $1.50) rnais Ie ton est ici tout different. Cette poesie reste aussi pres que possible de la prose, elle est un langage farnilier, presque une conversation intime : c'est de la musique de chambre. L'auteur n'eleve jamais la voix, il ne force pas son talent et ce qu'il peut dire en trente vers courts, il ne cherche pas Ii Ie proclamer avec emphase dans une longue ode ou un non moins long poeme Iyrique. Cette poesie est une confidence. Ce que Luc Perrier chante, ce sont « les oeufs fragiles du bonheur » et, par moments, « toute la misere du monde » • II y a une grande tendresse dans cette poesie une tendresse d'homme, nOn un sentimentalisme efFemine - qui est faite avec les elements les plus simples : c'est d'un regard d'une chanson d'un I~ve qu'est fait un pays. Mais ces choses les plus simples sont evoquees selon un ordre qui revele une sensibilite canadienne. II y a un peu partout dans ces vers, des oiseaux, des nuages, du pain, mais aussi un grand Ileuve, du vent et de la neige. Jamais ces realites ne sont decrites toutefois, Ie poete ne fait que les nommer pour tirer des symboles de leurs simples juxtapositions. Lorsqu'il evoque son bonheur, l'enumeration fait boule de neige, et cet efFet cumulatif que produit Ie procede de 1'enumeration n'est evidemment pas moins grand quand Ie poete evoque ces elements de bonheur menaces lis viendront manger ton pain vider tes DutIes occuper ta rnaison ton lieu de priere te demanderont d'abandonner ta partie d'echecs tes mots craises ton rouge alevre ton rose avie ton chien ta pipe tes clefs tes pantoufles Gest cette constante opposition entre Ie bon et Ie mauvais usage du temps qui donne It cette poesie sa double dimension, sa profondeur et son individualite. Le poete s'adresse presque toujours Ii la femme aimee, et toutes ses images de bonheur sont celles d'un bonheur partage avec LIVRES EN FRANqAIS 471 elle, comme elles sont des images pastorales - Ie symbole de « la paix des avoines » est une constante de cette poesie. Ces bonheurs It deux sont d'autant plus precieux, Ie poete les evoque avec d'autant plus de tendresse qu'ils sont constamment menaces par la durete de coeur et l'injustice des hommes comme par leur propre maladresse. Cette poesie est pleine d'evocations de ces occasions manquees et de ces eaeurs imminentes, elle est sans vaines recriminations comme elle est sans anathemes. Car Luc Perrier ne pense pas au passe, il vit l'instant en songeant It l'avenir. II est difficile de definir avec precision I'univers poetique de Gilbert Choquette dont les elements constitutifs sont souvent mal harmonises, guand ils ne se repoussent pas. Choquette aime les antitheses et cela ne rend guere facile de determiner les !ignes de force de ce monde plein d'ambiguites. Dans L'Honneur de wivre (Editions Beauchemin, pp. 59, $1.00) il multip!ie les contradictions et on a souvent l'impression qu'il sagit lit d'un jeu de l'esprit. Sur Ie plan social et politique comme sur Ie plan personnel, Gilbert Choquette ne cesse de parler de « l'~ge amer de l'esperance » qui est l'age de l'homme, de cet homme en proie aux contradictions, qui s'acharne a vivre malgre tout et qui ne trouve sa verite que dans l'amour, m~me s'il est perissable. II est si vrai que la poesie ne peut vivre que de contradictions et d'ambiguites que les plus beaux vers de Gilbert Choquette, les plus pleins et les plus emouvants sont ceux qui lui sont inspires par l'amour vecu au re,ve Nalls marcherons un jour dans une plaine immense Remplis de !'innocence des premieres ferveurs ou encore: Dans mille ans rien ne restera des cites eternelles Et lars tu comprendras face It l'immortelle nuit Pourquoi je dis que la vie est un IeVe mon amour Et qu'il n'est rien de vrai hors cette heure auje t'aime D'ailleurs son plus beau poeme est un poeme d'amour d'un rythme si heureux qu'il devient une sorte d'incantation, celui qui COmmence ainsi : Tu es venue amoi un soir de brume... II faut, pour avoir ecrit cette page, ~tre poete mais il faut se demander si Gilbert Choquette ne gate pas une grande partie de SOn ceuvre en sapp!iquant trap It opposer des contraires au It faire ressortir des contradictions intimes. 472 LEITERS IN CANADA: 1964 II y a aussi dans les Variations sur la pie,.,:e de Michel van Schendel (Editions de I'Hexagone, pp. 46, $1.75) quelque chose de trap voulu et si son propos est assez clair, son execution est aussi decevante qu'ffiigmatique . Presque toutes les pages des Variations sur la pierre sont obscures, les vers libres qui les remplissent sont d'une syntaxeextremement compliquee et il n'etait certes pas necessaire, ni meme desirable, de disloquer la langue pour traduire Ie desordre interieur de l'auteur divise contre lui-meme et contre son pays d'adoption. Comme Ie titre l'indique, ce recuei! est fait de variations sur la pierre, c'est-li-dire que l'auteur a repris sous diverses formes Ie theme central de la resistance que Ie pays oppose Ii celui qui veut l'apprivoiser et qui est symbolisee ici par la pierre. Des la premiere page, Michel van Schendel nous dit, au plutot se dit Ii lui-meme : « Sur la caresse du roc ... tu nais et t'inventes une terre » ; mais la plupart du temps !'invocation de la pierre semble artificielle, elle semble beaucoup plus voulue que naturelle. Je ne puis m'empecher d'admirer la haute idee que Fernand Ouellette se fait de la poesie; Ii Ie lire on sait tout de suite que I'on n'a pas affaire Ii un faiseur de vers, mais Ii un homme pour qui la poesie est une aventure, une aventure individuelle et collective ala fois, une aventure dans ce monde autant que dans l'iIme du poete. On sent bien chez lui une tentation d'angelisme, mais en meme temps un visible effort pour apprivoiser notre temps jusque dans ses manifestations les plus etrangeres Ii la poesie traditionnelle. Tout cela n'echappe pas Ii la domination du cerebral et je crains que meme lorsqu'il evoque Ie sang et la chair, Fernand Ouellette fle Ie fasse un peu trop exclusivement avec son esprit. Cette poesie est terriblement consciente et reHechie, et je crains qu'elle ne soit intellectualiste jusque dans l'uti!isation des elements physiques les plus tangibles. Dans SOn troisieme recueil, Le soleil sous la mort (Editions de I'Hexagone , pp. 64, $1.75) nous retrouvons Ouellette encore plus abstrait que dans Ie passe. Cette oeuvre, d'une rigueur extreme, voire d'un ascetisme verbal pousse Ii la limite, semble de plus en plus dominee par Ie solei!, qui attire l'homme et l'eclaire et Ie rechauffe. Des ses Anges de sang, Ouellette avait ecrit : « II y a mort de soleil it la source du jour», et voici qu'i! intitule son troisieme recueil Le soleil sous la mort. On y trouve divers poemes dans lesquels Ie poete evoque cette image de l'homme se liberant de la glaise et montant vers Ie solei! dans un mouvement de liberation et ailleurs i! evoque cette autre force du soleil qui est Ie feu, Ie feu de I'amour : Force du solei! sans cesse denude mon corps! LIVRES EN FRAN9AIS Et qu'il se couche, bel arbre de fievre, sur la mousse de l'epousee. 473 Cette presence de la femme est d'ailleurs constante, dans l'univers du poete et elle reparait un peu partout, la femme etant indissolublement liee 11 l'homme dans cet effort pour conquerir Ie solei!, l'amour, la liberte et la vie - autant de victoires sur la nuit, l'egolsme, la decheance et la mort qui sont aussi evoquees en contrepoint, autant sans doute par lidelite Ii la verite humaine qui est complexite et dechirement que pour rendre encore plus belle toute victoire de l'homme sur lui·meme. Le dernier livre dont il reste 11 parler n'est pas ce qu'on appelle communement un recueil de poesies. Gest neanmoins un livre de poete, c'est un livre bouleversant, et c'est une sorte de poeme exaspere et parfois quelque peu exasperant d'un jeune intellectuel ecorche vif. Ce livre c'est L'AfflCheur hurle de Paul Chamberland (Editions Parti Pris, pp. 78, $1.50). Le poete hurle ici plutot qu'il ne chante, mais ce cri semble irrepressible et a un accent de sincerite qui ne trompe pas. L'afficheur, c'est Ie crieur de l'epoque, et il y a chez Ie nouveau Chamberland du crieur public. Le voici descendu sur la place et il annonce au peuple ce qu'i! croit etre et ce qu'i! espere. La poesie est devenue prophetie, elle est totalement engagee dans l'actualite dont sera fait demain; ce n'est plus un art, Ie poete n'est plus un artiste; c'est un acte social et politique et l'ecrivain est un combattant. Et en l'espece un militant independantiste, socialiste, lalque et athee. Nous sommes au dela au en de~1I de la litterature . L'Afficheur hurle a beau cotoyer la prose, et par moments y descendre, ce long poeme existe, il a SOn sens, son poids et sa beaute propre; meme lorsque Chamberland pretend tourner Ie dos Ii la poesie, c'est encore elle qu'i! trouve derriere lui. Non que cette poesie soit constante et egale Ii elle-meme - elle transporte de nombreuses scories mais SOn paradoxe propre est de surgir sous un nouveau visage de I'effort meme que Ie poete fait pour la detruire. Cette poesie, Chamberland la veut dominee par la circonstance de sa vie, de celie de sa femme et de celles de ses camarades. Elle est done personnelle, erotique et sociale a la fois et indissolublement. Elle est aussi toute orientee vers l'avenir, vcrs l'homme 11 devenir et vers la cite Ii batir en detruisant celie au i! etouffe et qui lui fait pousser son cri. S'il se veut un poete social et politique, Chamberland ne cherche neanmoins jamais acoucher un programme en vers; sa poesie ne decrit pas la cite future, ni les moyens d'action 11 employer pour l'edifier. Ce cri de douleur en dit beaucoup plus long que les plus beaux programmes. Ce cri prolonge cOmporte de nom- 474 LEITERS IN CANADA: 1964 breuses repetitions, toutes voulant dire son desir de « vivre apartir d'un eri d'aU seul vivre sera possible », et c'est bien cette partie qui est la moins valable dans cette poesie. Chamberland nous parle de « l'infdmie que c'est d'etre canadien fraru;ais », de la souffrance qu'il eprouve a habiter une « terre occupee » qui est « une terre anaitre » ; a vivre« une mort qui nourrit la vie des autres », « un mal qui est Ie bien des autres », aressentir « une faim de saus-develappe afaux luxe» ; il refuse sa situation de Canadien fran,ais « parce que je ne veux pas vivre a moitie dans ce demi-pays » . Employant Ie plus souvent Ie je dans un sens collectif, il dit : « je suis cubain ... je suis negre ... je suis que1",cois » . L'association des trois peuples est ici fort Significative. Comme il s'est revolte cOntre la societe, il s'est revolte aussi contre la culture, la correction, la parole, la poesie. II toume Ie dos a son propre passe poetique, se prodame « barbare » et ajoute : « Et tant pis si j'assassine la poesie » . On voit un peu trop ici et la une pointe de masochisme et, en effet, il y a dans ce long poeme des vulgarites injustifiables , des grossieretes de colIegien, des blasphemes de mauvais gout. II est assez etonnant que Chamberland ne se soit pas aper,u que tout cela est un peu trop facile. Derriere ce prophete qui vocifere, condamne, avilit et malgre tout espere, il y a un homme qui, s'il est revolte contre la culture acquise, n'a jamais desespere de la vie et de l'amour, et surtout a garde une ambiguite fondamentale qui Ie distingue des theoriciens. II est assez emouvant de voir ce jeune poete nous dire: et proclamer et ailleurs : je ne veux rien dire que moi-meme cette verite sans poesie moi-m~me je vis d'une blessure inguerissable d'une tendresse saccagce d'un amour change en haine; je suis precaire et fou comme un ephemere en 5UISis. Gest parce qu'il reste vulnerable que Paul Chamberland est reste paete; que Ie systeme n'a pas fait taire chez lui la voix. II est vraiment dommage toutefois que ce poete qui est conscient de son ambiguite et de sa vulnerabilite ait garde de tout ce qui I'entoure une vue aussi manicheiste qui n'est que I'envers de la mauvaise theologie qu'il a rejetee et qui divisait Ie monde en bons et en mechants. Les bons sont devenus les mechants et inversement; rnais la vue reste aussi simpliste et fausse. II veut etre comme la conscience du bien dans un monde pourri : « je suis comme un clot< Touille enfonce dans Ie beau mUT de l'ordTe » ; il est surtout , it ses meilleurs moments, un temoin de I'amour blesse, d'un amour trop pur que ce monde blesse certes, mais que Ie poete blesse lui-meme aussi. A ce niveau, Ie poete est Ie bourreau de soi-meme, ce qui ne rend pas son mal mains reel. ROMANS ET THEATRE Jean Ethier-Blais A tout seigneur tout honneur. Real Benoit a remporte Ie « Grand Prix des Lettres de la Ville de Montreal» . Le livre qui lui a valu ce Prix, c'est Quelqu'un pour m'ecot

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