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LIVRES EN FRAN~AIS LA POESm / Guy Sylvestre LIVRES EN FRAN<;AIS tq 529 ny a cent ans, les ecrivains du Canada fran",is avaient sans cesse Ie mot "national" ala bouche. Tout devait etre "national," y compris la litterature qui n'etait qu'un outil aux mains des ouvriers sociaux, qu'une arme aux mains des partisans qui voulaient resister aI'influence concnrrente de I'occupant et du voisin americain. C'est pourquoi les historiens de la litterature canadienne de langue fran~aise ont pu parler de "1'ecole patriotique de Quebec," ou "de 1860," dont cette annee marque precisement Ie centenaire. Or, dans un des nombreux articles qu'il s~me atons vents Ie jeune et prolifique Guy Robert vient d'eerire: "n ne sagit pas de faire une poesie canadienne-fran~aise, il sagit de faire de la poesie .... Nous serons ala mesure de notre poesie: mais notre poesie ne doit pas etre a 10 mesure du Canada fran~ais, elle doit percuter bien au-del. [sic], dans I'humain fondamental et cosmique" (Revue Dominicaine, LXV, 284, 289). Nous sommes ici loin de I'abbe Casgrain et de ses amis. Nous pouvons mesurer Ie chemin parconru dans l'ordre des idees litteraires depuis un si~cle en comparant les vues de ceux qui frequentaient la librairie Cremazie it y a cent ans aceUes qu'on a exprimees et discntees ala demi~re rencontre des ecrivains canadiens a Saint-Sauveur (voir Situations, v. I, no 8). Le 10ngage d'nn Gilles Henault est aussi etranger aI'univers d'un Octave Cremazie que les idees de Louis Dudek Ie sont an monde d'un Charles Sangster. Ce n'est pas cette annee toutefois qu'on a pris conscience de cette evolution, et cette antimonie n'"tait pas pins evidente en 1959 qne les annees precedentes. Le moment est opportun de la signaler une fois de plus en raison du centenaire de I'ecole de 1860 qui invite natureUement • un retour en arriere et aune comparaison entre ces deux univers; en raison aussi de la panvrete de la production poetique de 1959 qui oblige Ie chroniqueur a recourir • des generalisations pour parler de livres et de plaquettes qui ne meritent pas une etude particuli~re. Toute generalisation est evidemment dangereuse et, si eUe est illegitime pour les grandes poetes qui sont toujours hautement individuels, eUe peut etre justifiee lorsquil' s agit des ecrivains mediocres ou mauvais qui se rapprochent du commun. Ce n'est d'ailleurs que par leur mediocrite meme que ces demiers nous 530 tq LEITERS IN CANADA: 1959 interessent, par cette meme commune mesure de la societe dont ils sont les plus fideles temoins. Cette litterature, dont la diversite est relativement peu accentuee, semble graviter actuellement autour de deux poles, et ses auteurs sont vraiment les antipodes les uns des autres. II y a, 11 une extremite de I'axe poetique, une survivance du sentimentalisme eternel, et chaque nouvelle annee nous vaut des sous-Coppee au des sous-Rosemonde Gerard. En 1959, Ie plus parfait exemple en fut Gaston Gibeault dont Ie recueil, Au cours des jours (Montreal: Editions Beauchemin, pp. 145, $2.75), n'est fait que de ces exercices faciles et sans risques qui occupent souvent les heures creuses des vieux notaires, des demoiselles mures au des adolescents en pamoisons. A I'autre pole de I'axe, il y a un esoterisme non mains facile dans lequel s'engagent de jeunes poetes dont les pretentions sont tres hautes et dont les realisations ne sont que les debris d'un grand jeu au les des sont pipes. Voulant attribuer it la poesie une dimension metaphysique, des pouvoirs magiques, au une portee mystique, trop dejeunes confondent aujourd'hui profondeur et obscurite, genie et desordre. Comme nous avons nos sousCoppee nous avons nos sous-Breton, et les uns ne valent guere mieux que les autres. Il y a une remarque de Cremazie qui, transposee, est aussi valable de nos jours qu'en son temps. Cremazie ne fut certes pas un grand poete, mais il etait conscient de ses limites comme du mauvais gout de son public. "II faut bien Ie dire," ecrivait-il it I'abbe Casgrain, "dans notre pays on n'a pas Ie gout tres delicat en matiere de poesie. Faites rimer un certain nombre de fois gloire avec victoire, ai"eux avec glorieux, France avec esperance, entremelez ces rimes de quelques mots sonores comme notre religion, notre patrie, notre langue, nos lois, Ie sang de nosp~res; faites chauffer Ie tout 11 la flamme du patriotisme, et servez chaud. Tout Ie monde vous dira que c'est magnifique." (CEuvres completes, Y, 43.) Aujourd'hui, certains croient qu'il suffit de pecher des poissons electriques dans des fleuves aux globules du magnanime et, leur ayant fait subir de pourpres mutations it /'ombre de I'aissel/e, de les servir au clair d'une lune acquerant sur so cuisse Ie pouvoir des conques sonores pour rassasier 10 du~gne accroupie. II y a une facile rhetorique surrealiste qui est aussi vaine que I'ancienne et qui, comme elle, a aussi ce que Cremazie appelait ses epiders. Ce que les uns et les autres peuvent offrir aux clients est peut-etre tres different, mais les produits des uns ne valent pas mieux que ceux des autres. Ceci etant dit, il ne me parait pas necessaire d'ajouter quai que ce soit LIVRES EN FRAN<;AIS tq 531 sur des recueils comme Essais poetiques de Gerard Plante (Beauchemin, pp. 62, $r.so); Carrousel de Real Ferland, (Montreal: Editions Nocturne, pp. 37, $1.25); A la gueule du jour de Gilbert Langevin (Montreal: Editions Atys, non numerote, $1.00); A treize voix, recueil collectif d'une "gale nullite (Nocturne, pp. 81, $1.75); La Du~gne amoupie de Mich~le Drouin (Montreal: Editions Quartz, pp. 14, $1.50). Ce demier recueil me foumit toutefois I'occasion d'observer qu'il arrive parfois que des recueils dont Ie texte est sans interet sont imprimes avec Ie meilleur gout et comportent des gravures de qualite. nfaut cependant regretter qu'il y ait trap souvent plus de poesie dans ce qui entoure Ie texte que dans Ie texte meme. Cela vaut aussi pour Aufil de l'eau de Sylvain (Trois-Rivieres: Editions du Bien Public, pp. 68) qui n'ajoute rien aIa reputation de cet auteur de quelques bonnes pages de prose rustique. Avant d'en venir aux rares volumes qui meritent des commentaires plus au mains longs, i1 faut mentionner que la collection des Classiques canadietls de Fides s'est enrichie de deux volumes consaen!s ades poetes: Frechette, edite par Michel Dassonville (Montreal: Editions Fides, pp. 96, $.75) et Robert Choquette edite par Andre Melan~on (Fides, pp. 95, $.75). Frechette appartint tout jeune acette ecole patriotique de Quebec dont Ie centenaire etait evoque plus haut et il suffit de Ie relire en meme temps que les eeOles de Michele Lalonde, par exemple, pour mesurer I'ecart considerable qui separe les jeunes poetes de notre temps de leurs predecesseurs du si~c1e dernier. Plusieurs jeunes poetes d'aujourd'hui se font de la poesie une conception si elevee qu'ils augmentent ainsi I'ecart qu'on peut remarquer entre leurs intentions et leurs oeuvres: corruptio optimi pessima. II arrive que des auteurs mauifestent une certaine dexterite dans I'arrangement des mots et, par la, prouvent qu'ils ant un certain sens poetique. 1'an deruier, deux jeunes auteurs, mari et femme, ant publie de brefs recueils qui revelent chez eux un certain flair pour sentir les mots mais dont Ie sens est proprement indechiffrable. Apres deux lectures attentives, je ne puis decouvrir Ie sens ni de La Duegne accroupie, ni des Objets de la nuit de Jean-Paul Martino (Quartz, non numerate, $1.50). Evidemment, comme Ie titre I'indique, ces objets de la nuit ce sont la matiere des reves, et il ne faut pas chercher atrouver dans les reves des suites logiques, mais plutot des images formant des sequences habituellement inexplicables. n reste que, malgre la meilleure volante du monde, je dais confesser man impuissance acomprendre, meme agouter sans tout saisir, un poeme de cette enere: colonnade un dr5Ie de delire Iaque de gingembre Bt ne brillant pas l'origine L'usage de croustillant sur les banderolles cuites Un essayage al'emotion Ma fete Heloise persevere en pouls d'aiguille de houssole inquisiteuse Les chateaux d'angora choment dans l'enclos aux apparitions Dans l'atre Ie mercure s'etonne ("Objets de 1. nuit") Le mercure n'est pas Ie seul a s'etonner. Et tout etonnant qu'il soit, ce texre ne I'est neanmoins pas plus que beaucoup d'autres. Tout Ie monde n'est pas Roland Giguere. La poesie de Guy Arsenault, d'autre part, d'un rythme souvent rapide, ne nous offre par un dessein plus clair. Je ne vois pas comment les essais poetiques reunis dans L'£au, la montagne et Ie loup (Montreal: Editions Goglin, pp. 93, $2.00) constituent ce que I'auteur appelle une "petite cosmologie de mes haines." De toute maniere, s'il y a un poete en herbe chez lui, Guy Arsenault dewa l'etablir en publiant autre chose que ces suites verbales. Je crains qu'il n'en faille dire autont de Guy Robert dont les Brol/ssailles givrees (Goglin, pp. 7I, $2.00) contiennent de meilleures pages que les recueils deja mentionnes, mais dont les themes nombreux et les images abondantes ne semblent pas se rattacher it des intuitions centrales. On craint qu'il n'y ait ici beaucoup de litterature et que I'auteur n'ait beaucoup retenu de ses lectures. On trouve ici un peu de tout: la nostalgie d'une enfance heureuse et l'angoisse de l'adulte en proie a un monde ou triomphe la violence, l'evocation de moments heureux et Ie souvenir, ou la tentation, d'experiences destructives. nest peut-etre normal qu'un jeune poete soit ainsi attire par les extremes; cela rend difficile, sinon impossible, de decouvrir quelle est "sa verite." Les promesses sont cependant plus nombreuses ici, soit que Ie poete ait garde cette simplicite de l'enfance: Ie mande est neuf la nature est vierge la mef est calme ce marin encor tout est possible et l'homme rallume Ie soleil au ciel ou ailleurs: LIVRES EN FRAN'

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