Profession sociologue by Marcel Fournier (review)

Destinée à un large public, la collection Profession dirigée par Benoît Melançon vise à faire connaître le travail de professeur d’université. Après plusieurs autres titres, au tour de Marcel Fournier, auteur d’une biographie intellectuelle de Marcel Mauss, de présenter le sociologue, en puisant dans son expérience personnelle et dans ses travaux. L’opuscule comprend trois courts chapitres décrivant respectivement la discipline, le métier et la profession.

La discipline sociologique est essentiellement affaire de savoir critique (identifier par exemple les mécanismes et les processus sociaux au fondement des institutions), mais aussi d’engagement, car le sociologue a un penchant pour ce qui « vient d’en bas », l’associatif et le relationnel, tout ce qui crée du lien social, ce qui cimente les groupes, etc. Il cherche à comprendre tout autant ce qui assure la permanence des sociétés que ce qui entraîne des changements en elles. La socialisation, concept de base, renvoie au processus grâce auquel un individu apprend et intériorise les normes, valeurs et codes de sa société, de son groupe, de son milieu social : l’individu, tout individu, est un être éminemment social. Voilà une leçon sociologique qui conduit à privilégier ce qui est commun aux membres d’une société et qui relève de la culture, au sens anthropologique du terme.

Rien de ce qui est social n’échappe à l’investigation sociologique, quel que soit le niveau conceptuel (interindividuel, institutionnel, ou sociétal) auquel on s’attache. La discipline sociologique est ainsi moins une série d’objets qu’une manière spécifique de les aborder : une explication sociologique rapporte toujours un fait social à d’autres phénomènes sociaux, elle met en évidence les liens structurels entre les diverses instances du social, et les interdépendances entre les sous-systèmes sociaux. Cela n’empêche pas la sociologie d’être éclatée sur le plan théorique. Depuis ses débuts, elle est marquée par plusieurs courants théoriques et plusieurs écoles de pensée, qui se livrent une âpre concurrence. Et rien n’indique que ces tensions paradigmatiques se résorberont; elles sont même au contraire un indice de pétulance disciplinaire.

Pour exercer son métier, le sociologue doit maîtriser non seulement les concepts de base, mais plusieurs méthodes et quelques-unes au moins des théories sociologiques. Pour pénétrer un univers social, le sociologue emprunte au journaliste : il doit d’abord s’informer sur son sujet, lire des dossiers, des documents, parfois des archives. Il emprunte à l’anthropologue la méthode du terrain : observer les faits et gestes de la communauté sous examen (qu’elle soit une localité, une entreprise, une population marginalisée, une profession, etc.), noter le point de vue des uns et des autres sur tout et sur rien, découvrir les intentions et motivations des différents acteurs, etc. Par l’analyse, il met de l’ordre dans tous ces matériaux, et rattache des données empiriques à des concepts théoriques, le tout à l’aide d’une bonne dose de réflexivité. Enfin, le métier de sociologue suppose aussi de savoir rendre oralement et par écrit le résultat de ses recherches : empruntant au communicateur, le chercheur s’efforce alors de rendre intelligible, et dans un style simple et clair, les réalités complexes qu’il a abordées.

La dernière section, sur la profession, fait appel à des collègues, formés en sociologie mais occupant un poste qui n’en reprend pas explicitement l’appellation. Ensemble, ces six portraits offrent peut-être un tableau incomplet de la profession de sociologue, mais ils sont suffisamment diversifiés pour que le lecteur se fasse une bonne idée du caractère éclectique de la pratique sociologique et des nombreuses avenues où elle peut mener. Le lecteur découvre ainsi avec intérêt l’enseignante de c...