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Reviewed by:
  • Correspondance by Stefan Hertmans et Gilles Pellerin
  • Yannick Portebois (bio)
Stefan Hertmans et Gilles Pellerin, Correspondance, Québec, L’instant même, 2007, 144 p., 18$

Deux écrivains, l’un Flamand, l’autre Québécois; deux langues, le français et le néerlandais (le français parlé au Québec, ce n’est peut-être pas « la bonne sorte de français », alors que « le flamand n’est rien d’autre qu’une façon de parler le néerlandais » ; deux littératures, plusieurs identités, des régions, des pays, des continents, des minorités majoritaires et inversement, une traductrice (Danielle Losman), dix lettres échangées.

Dans cette correspondance qui s’étale de février 2004 à décembre 2006 (avec des hiatus parfois assez longs), il est évidemment beaucoup question d’identité(s), de langue(s), de culture(s), de « l’Autre », de frottements désagréables. Les auteurs dépeignent des atmosphères, des attitudes, des préjugés, des refus, d’une manière différente toutefois. Un malaise discret, qui ne se nomme pas, s’installe après le deuxième échange. Un silence qui demeure inexpliqué interrompt la conversation. Entre les deuxième et troisième lettres s’écoulent presque deux ans. La correspondance reprend, à l’initiative de Hertmans. Du sujet de langue, difficile, aigu (Pellerin, dans sa première lettre, parle de vivre « sur une arête » ), il y a glissement et la discussion s’oriente autour de sujets qui réunissent les deux écrivains, qui leur permettent de reprendre le dialogue: la culture américaine dominante, la mise en marché de « produits culturels » de piètre valeur, la technologie/les technologies et ce qu’elles charrient en elles-mêmes, l’immigration, le droit à la diversité culturelle, le multiculturalisme, la pauvreté des émissions télévisées, le conditionnement de masse. Sont convoqués penseurs et écrivains: Adorno, Jünger, McLuhan, Castro, Kafka, Deleuze, Foucault, Wittgenstein, Sophocle. Les thèmes ne sont pas nouveaux. Ce qui est plus nouveau, plus riche peut-être, ce à quoi on n’a [End Page 252] pas assez accordé d’attention, depuis bien longtemps, dans tous ces débats de cohabitation linguistique, c’est la courtoisie, évoquée à de nombreuses reprises par Hertmans. Il dit de lui-même qu’il est l’homme d’une « sorte d’intercity mentale » – il est partout chez lui en quelque sorte, prenant son butin là où il se trouve, en français ou en néerlandais. Pellerin, lui, choisit son lieu d’ancrage, qui est le Québec. Il visite Toronto « comme une ville étrangère ». Et c’est sans doute là que se situe la rupture évoquée plus haut. Hertmans se fait l’apôtre d’une « glorieuse culture de la mixité », de « l’hybridité culturelle », thèmes sur lesquels il reviendra souvent. La courtoisie, c’est accepter, sinon choisir, d’exister en plus d’une langue à la fois, de savoir tendre les deux mains à l’autre, en quelque sorte. Le Néerlandais prêche par l’exemple: ses lettres 4, 5 et 6 sont rédigées directement en français. Dans sa lettre finale, il invite Pellerin à le rejoindre dans cette pratique de la courtoisie, du bilinguisme et de la « culture écrite », afin de pouvoir lire le texte de l’autre, dans sa langue: « La balle est dans les deux camps ». Conclusion qui ne saura manquer d’intéresser ceux qui tentent de vivre harmonieusement « en bilinguisme ».

Yannick Portebois
Département d’études françaises, Université de Toronto
Yannick Portebois

Yannick Portebois, Département d’études françaises, Université de Toronto

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