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Reviewed by:
  • Médée protéiforme by Marie Carrière
  • Lucie Joubert (bio)
Marie Carrière, Médée protéiforme, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2012, 210 p.

Marie Carrière poursuit avec Médée protéiforme une réflexion sur la mère qu’elle avait amorcée dans un précédent essai, Writing in the Feminine in French and English Canada : A Question of Ethics (University of Toronto Press, 2002), dans lequel elle se penchait plus précisément sur les relations conflictuelles entre les mères et les filles à partir d’œuvres littéraires essentiellement poétiques. Elle récidive en concentrant ici ses analyses sur Médée, le mythique personnage de la mère meurtrière, pour en proposer une (re)lecture féministe. Le corpus cette fois recoupe plusieurs genres littéraires, mais reste fidèle à ce qui apparaît maintenant comme un leitmotiv chez l’auteure, à savoir la nécessité de mettre en dialogue des textes de femmes de différentes provenances. On retrouvera donc tant la traduction de la Médée d’Euripide par Marie Cardinal que les œuvres dramaturgiques de Deborah Porter, Franca Rame et Cherrie Morgan, les romans de Monique Bosco et Christa Wolf, et ceux, rangés dans une catégorie à part ( « postcoloniale » ), de Bessora et Marie-Célie Agnant.

Le foisonnement d’œuvres de femmes qui s’intéressent à cette figure particulière de la mythologie, parmi lesquelles Carrière a fait un choix rigoureux, prouve à lui seul la passion que l’infanticide n’a jamais cessé de susciter au cours des siècles. Médée, monstre ou victime? L’essai de Carrière ne tranchera pas une fois pour toutes, mais posera des jalons neufs à cette dichotomie aussi vieille que le mythe lui-même. L’originalité de l’essai tient justement à l’angle de lecture qui sera privilégié, inspiré, lui, par la nature des œuvres retenues: « La violence et la colère d’une Médée jalouse et répudiée par son mari trompeur, dit Carrière, n’est que légèrement, ou même plus du tout, au rendez-vous dans le corpus littéraire choisi. Lecteurs et lectrices se confrontent plutôt à l’exil, à la mélancolie et [End Page 226] aux contradictions inhérentes de [sic] cette figure mythique, à sa constante mise en abyme des modalités de la réécriture mythique au féminin, et dans certains cas, à une Médée carrément non infanticide ». Ainsi, les œuvres de femmes plus récentes élargissent les interprétations de la mère mortifère.

Afin de bien montrer, cependant, en quoi son analyse se détache de tout ce qui la précède, Carrière trace dans le premier chapitre un bilan des définitions, des acceptions, des applications du terme mythe qui peut sembler superflu tant la volonté de se dégager du déjà vu et de montrer Médée « dans toute son instabilité figurative et narrative » est manifeste non seulement dans l’introduction mais partout dans l’ouvrage avec des résultats variables.

Le premier chapitre n’est pas le plus convaincant à cet égard. Dans son analyse de la traduction qu’a effectuée Marie Cardinal de la Médée d’Euripide, Carrière peine à circonscrire cette différence de perspective fortement annoncée. Bien sûr, elle insiste sur certaines variantes entre la traduction canonique et celle de Cardinal mais la comparaison se révèle non probante pour prouver que c’est « la culture, plutôt que l’instinct maternel, qui fait défaillance dans cette tragédie ».

Heureusement, les analyses contenues dans les chapitres subséquents vont plus clairement illustrer la distance que les auteures contemporaines instituent entre le mythe et ses interprétations. Au théâtre, surtout, avec No More Medea, titre évocateur s’il en est, Deborah Porter, situe l’histoire médéenne à Toronto, dans les années 1990. Carrière démonte bien la mécanique de la pièce qui, dit-elle, constitue un « aveu éponyme d’en finir une fois pour toutes avec l...

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