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Reviewed by:
  • Points de vue. Essais by Roland Bourneuf
  • Pascal Riendeau (bio)
Bourneuf, Roland, Points de vue. Essais, Québec, L’instant même, 2012, 119 p.

Points de vue de Roland Bourneuf est un court recueil d’essais qui se situe dans le sillage de Venir en ce lieu (1997), premier essai plus introspectif de l’auteur, qui a marqué le début de ce que l’on doit maintenant appeler une œuvre essayistique forte. Depuis lors, Bourneuf a publié des récits et des recueils de nouvelles, mais surtout trois autres essais : Littérature et peinture (1998), L’usage des sens (2004) et le très riche Pierres de touche (2007), pour lequel il a reçu le prestigieux prix Victor-Barbeau. Malgré cela, on peut déplorer l’attention critique limitée que ses essais ont suscitée. À l’instar de Venir en ce lieu, Points de vue est divisé en vingt-quatre textes que l’on peut voir comme des promenades, des rêveries ou des méditations. Il ne contient ni introduction ni conclusion, ce qui ne favorise pas les regroupements thématiques, mais permet plutôt de concevoir les textes sans hiérarchie entre eux et mène ainsi à une ouverture discursive et éthique plus soutenue. L’ouvrage de Bourneuf met l’accent sur cinq éléments essentiels qui traversent l’ensemble du recueil : les sens, les lieux, les périodes, les personnages singuliers et les états. Dans le premier texte, « Odeurs », l’essayiste nous entraîne déjà vers ce qui motive l’ensemble de [End Page 219] ses réflexions, soit ces petites choses que l’on a oubliées ou qui ont disparu : « nous ne savons plus depuis longtemps quelle juste place revient à l’odorat. [ … ] [M]ais en même temps avons-nous sans doute oublié que par l’odorat nous nous relions aux autres et au monde, et que par lui aussi nous sommes présents ». La présence au monde, le rapport à autrui, la création de liens avec une communauté constituent les éléments centraux de ces essais introspectifs très personnels. L’essayiste fait preuve d’une grande sensibilité à l’égard des autres (proches ou étrangers, auteurs ou personnages fictifs), ainsi que des lieux et de la nature qui l’entourent. Il s’agit sans doute de l’essai de l’auteur dans lequel la mémoire joue le rôle le plus déterminant.

Les voyages, les découvertes de lieux variés s’inscrivent dans un souci constant de comprendre les lieux et les hommes. En ce sens, il n’est pas étonnant que Bourneuf s’intéresse ici au personnage du Wanderer. Dans l’essai éponyme — sans doute les plus belles pages du recueil —, il précise qu’il préfère le contexte allemand du mot qui inclut à la fois « [l]e voyageur, le promeneur, l’errant, le pèlerin ». Le Wanderer, écrit Bourneuf, « se donne peu à peu, malaisément, sa propre vérité. Il se fait, par tours et détours qui le mènent en d’étranges chemins ». Un essayiste comme Bourneuf insiste beaucoup pour transmettre non seulement une parole subjective, mais un regard singulier sur le monde. Son discours se trouve parfois en adhésion avec la culture ambiante et l’opinion courante, mais à d’autres moments il est en porte-à-faux au regard de ce que notre époque semble valoriser. On sent chez l’auteur un besoin de dire le monde dans lequel il vit, tout en exprimant un désir de retrait. On le constate mieux qu’ailleurs dans « Tibet », où l’expérience du voyageur se fait en deux temps. Ne pouvant pas retourner au Tibet, il lit la traduction récente de l’ouvrage d’un moine bouddhiste alors qu’il se retrouve en vacances à Cuba. L’hôtel de luxe et la horde de touristes sur la plage créent un contraste frappant entre la lecture du récit d’un véritable pélerin et l’expérience touristique cubaine : « Ce monde, je le voyais tourner sur lui-même dans sa démesure. Certains de ceux qui le composent trouvent un agrément...

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