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  • La conscience du désert. Essais sur la littérature au Québec et ailleurs by Michel Biron
  • André Lamontagne (bio)
Michel Biron, La conscience du désert. Essais sur la littérature au Québec et ailleurs, Montréal, Boréal, coll. Papiers collés, 2010, 213 p., 22,95$

Dans le prolongement de L’absence du maître, qui jetait un regard éclairant sur la littérature québécoise et son univers social dépourvu de structures hiérarchiques et d’institutions fortes, le plus récent livre de Michel Biron s’interroge sur l’absence de conflit manifeste dans des œuvres qui ne s’écrivent plus sous la dictée classique de la subversion ou de l’opposition entre un héros romanesque et le monde qui l’entoure. Si la visée « déconflictualisante » n’est pas l’apanage du Québec – et l’auteur cite à l’appui des exemples belges, français et américains contemporains —, elle s’inscrirait dans la fondation même de la littérature du Canada français. Telle est l’hypothèse soutenue ici.

En tête d’ouvrage, Biron explique « À un lecteur étranger » le « silence répété qui constitue l’horizon de sens de la littérature québécoise » depuis l’absence d’un véritable milieu littéraire au XIXe siècle jusqu’au refus d’une rupture qui éloignerait davantage l’écrivain de la communauté et accentuerait son sentiment d’aliénation. Il pose ensuite la question du lectorat canadien-français naissant au moment où le polémiste Arthur Buies dénonce la tyrannie du silence et de l’apathie tout en se résignant à [End Page 205] écrire pour le public local. Dans cette première partie intitulée « Le désir de culture », le critique attire également notre attention sur la concentration élevée d’autodidactes dans la littérature québécoise, que ce soit du côté de la poésie (Nelligan, Saint-Denys Garneau, Gilles Hénault) ou du roman (avec certains personnages mis en scène par Réjean Ducharme, Jacques Godbout, Gérard Bessette, Gaétan Soucy et Louis Hamelin), situation qui traduit un rapport paradoxal au savoir quand elle ne survalorise pas une culture de l’authenticité.

« La tentation de s’effacer », pour reprendre le titre qui coiffe la deuxième partie de l’essai, gagne de nombreuses créations romanesques comme le père de Maria Chapdelaine, figure symptomatique d’une volonté de repli qui informera la production du XXe siècle. L’hiver de force et Gros mots de Réjean Ducharme ainsi que Rouge, mère et fils de Suzanne Jacob font foi de ce détachement entre une filiation ratée et un futur incertain. Chez André Major et Pierre Nepveu, l’écriture intimiste met en scène des personnages qui se détachent de l’Histoire pour résister à une plus petite échelle, le proche devenant l’exotique, alors qu’avec Soifs de Marie-Claire Blais, l’écriture s’oriente vers le témoignage et la compassion. Biron ajoute à son corpus Michel Houellebecq, Philip Roth et Jean-Philippe Toussaint pour décrire l’état d’anomie généralisée qui fait du roman contemporain le contraire du récit d’apprentissage, l’absence de conflit sociétal conduisant l’anti-héros à la dépression ou à une lutte avec lui-même.

La dernière partie de l’ouvrage, qui est aussi la plus courte, analyse les liens entre la littérature québécoise et la grande littérature. Dans « Mallarmé et nous », le critique s’étonne du peu d’influence que l’art pour l’art a eue sur la poésie d’ici, qui ne serait pas encore complètement « déromantisée ». Il faudrait faire fi du « devoir d’enthousiasme » pour la poésie et revenir au mode de lecture qu’elle postule. La comparaison de deux institutions littéraires dans leur degré d’autonomie face à la métropole française révèle comment le modèle belge produit d’excellentes œuvres « dénationalisées » dans le giron de la...

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