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  • L’ écrivain et son lecteur. Correspondance entre Paul-Émile Roy et Pierre Vadeboncœur (1984-1997) by Yvon Rivard
  • Kateri Lemmens (bio)
L’ écrivain et son lecteur. Correspondance entre Paul-Émile Roy et Pierre Vadeboncœur (1984-1997). Choix et présentation des lettres par Yvon Rivard, Montréal, Leméac, coll. L’écritoire, 2011, 443 p. [End Page 188]

Il en va de la magie de l’art de la correspondance que de continuer l’œuvre, de la réfléchir, de la nourrir, de l’éclairer de l’intérieur. Réverbération, éclaircissement, approfondissement, les lettres d’écrivains sont les revers, les plis, souvent secrets, des œuvres poétiques et romanesques. Certaines pièces épistolaires – et viennent immédiatement à l’esprit des lettres de Kafka, de Flaubert, ou encore le fascinant triangle que composèrent Tsvétaïeva, Rilke et Pasternak – sont pour le lecteur un lieu où se poursuit l’œuvre sur un mode intime. En ce sens, ce n’est pas un pléonasme que de dire que lorsque l’écrivain écrit une lettre, et tout particulièrement à un autre écrivain, il écrit encore. « [Je] n’écris », confesse Pierre Vadeboncœur en ouverture de ce recueil de correspondances échangées avec Paul-Émile Roy, « en vérité, que par poésie, par art ». Et c’est, beaucoup, d’art dont il est question dans ce recueil qui couvre les échanges des deux hommes entre 1984 et 1997. D’art et de vie. D’art et d’engagement. D’art et de politique. D’art et d’éthique. D’un rapport à la littérature conçu comme art et que les deux hommes, d’un commun accord, cherchent à discuter. « J’aurais voulu », écrira d’ailleurs Vadeboncœur, « ne jamais écrire que sur la culture, l’art, l’amour, l’âme, la sensibilité. » Naturellement, l’impudeur ou le voyeurisme trouvent peu de place au fil de la lecture. Les échanges entre les deux correspondants s’inscrivent essentiellement dans l’ordre de l’œuvre. D’abord, de par le ton et le caractère même de ces échanges. Ensuite, puisque les conditions mêmes de la postérité de ces lettres sont évoquées (la question de leur donation s’y trouve même discutée). On lit le consentement, voire le désir de transmission comme si les deux épistoliers demeureraient toujours conscients de la postérité possible, voire souhaitée de leurs échanges. Le lecteur se voit ainsi convié à une conversation dynamique où l’esprit tient à cœur et où l’admiration et la ferveur de l’un nourrissent l’humilité et la passion de l’autre ( « rarement me suis-je vu aussi exactement compris que par vous », écrit Vadeboncoeur à Roy en 1984). L’enjeu n’est donc pas tant de convaincre ou de persuader que d’en arriver à une intelligence – un éclaircissement par l’approfondissement – de la vie et du monde. Ce ne sont alors pas les désaccords qui stimulent les interactions, mais une quête commune et les avenues de discussion que les deux écrivains ouvrent ensemble. Pas étonnant, dès lors, que l’on y retrouve les mouvements essentiels de sa pensée et de son œuvre : la foi (la spiritualité), le syndicalisme (« connaître [ … ] le réel, le viser, le toucher, le changer »), le souverainisme, la crise de l’éducation et de la culture, la crainte d’une montée de la barbarie. Indigné, mais refusant l’étiquette qui le voudrait pessimiste (notamment lorsqu’il critique les failles du système d’éducation québécois ou les ratés des politiques), Vadeboncœur prend aussi ses distances avec le scepticisme [End Page 189] préférant se présenter comme un « un croyant naïf », un « un sceptique parallèle », un « fataliste pratique » ou encore un « candide espérant ». Roy et Vadeboncœur s’entendent de plus au sujet des « ingénieurs sophistiqués de la littérature » (certains enseignants et professeurs), ceux chez qui l’enseignement et la littérature ne tiennent pas de quelque chose de « vital », ceux qui n’ouvrent pas à la « vie de la pensée » (Roy). Vadeboncœur livre une charge similaire...

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