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Reviewed by:
  • Terres porteuses. Entre faim de terres et appétit d’espace by Gérard Chouquer
  • Volker Stamm
Gérard Chouquer Terres porteuses. Entre faim de terres et appétit d’espace Paris/Arles, Éditions Errance/Actes Sud, 2012, 246 p.

Depuis quelques années, la discussion internationale sur le foncier est largement dominée par la thématique des investissements à grande échelle, terme plus neutre que l’anglais land grabbing. L’importance accordée à ce sujet date de 2008, quand il fut ébruité qu’un homme d’affaires à tendance ultralibérale, devenu président de Madagascar, concédait une bonne partie du territoire malgache à des entreprises coréennes et indiennes. Les médias se saisirent de l’affaire survenue en pleine crise agroalimentaire mondiale et, depuis lors, les chiffres de transactions foncières, souvent mal fondés et contradictoires, se sont multipliés, avancés par des organisations internationales qui voyaient là un nouveau terrain d’intervention et par des Ong qui tiraient la sonnette d’alarme.

Gérard Chouquer présente la première synthèse académique de ce nouveau phénomène, qui dépasse de beaucoup les analyses proposées jusqu’ici. Ce compte rendu ne peut qu’esquisser quelques-uns des aspects que l’ouvrage traite en profondeur. D’abord, encore [End Page 580] des chiffres. Leur évaluation pose de nombreux problèmes d’ordre méthodologique qui ne sont que partiellement résolus. La seule estimation du nombre d’hectares touchés par les concessions à l’échelle internationale s’avère difficile et personne ne connaît, même de manière approximative, le nombre d’agriculteurs et d’éleveurs qui ont été contraints de quitter leurs terres ou de changer leurs systèmes de production. À ce propos, il convient de souligner qu’il manque toujours une analyse détaillée du mode opératoire de ces investissements, à l’instar de l’essai déjà ancien de Moussa Ouédraogo1. Il serait pourtant intéressant de connaître leurs répercussions sur le statut des hommes et sur l’environnement ainsi que leurs résultats économiques : augmentation de la productivité, emploi, rentabilité.

Toutefois, plus importantes que les chiffres, on signale l’analyse et la compréhension du processus déclenché et des modifications des relations internationales dont il est le résultat. G. Chouquer identifie les principes de domanialité et de contractualisation comme termes clés de la réflexion à mener. Le principe de domanialité présuppose l’existence d’un domaine national renfermant des terres « vacantes et sans maître », conception résolument coloniale. Le domaine national est alors plus exhaustif que les domaines public ou privé de l’État. Il inclut les terres exploitées selon les pratiques locales, qui ne sont pas assorties d’un titre foncier. Qu’elles soient vacantes et sans maître est d’ailleurs une illusion, une hypothèse déjà contestée par certains administrateurs coloniaux2. Pourtant, c’est ce domaine au sens large qui forme la base des concessions foncières par l’État. Les terres du domaine national sont censées être mal exploitées, improductives et disponibles en surabondance. Le principe de domanialité confère à l’État le droit d’en disposer comme il l’entend dans l’intérêt public. Cette doctrine s’oppose à la conception de la patrimonialité qui insiste sur les relations étroites entre les ressources naturelles et leurs utilisateurs. Conviendrait-il alors de soustraire du domaine national les terres sous régime local en leur attribuant des titres fonciers ? Telle est la position des grandes organisations internationales, qui est également discutée dans ce livre. Mais l’auteur émet des réserves à cet égard. On peut défendre la position selon laquelle la reconnaissance pure et simple des droits locaux et leur garantie par la loi aboutiraient au même résultat, la protection de la petite paysannerie et de ses ressources, à condition que la doctrine du domaine foncier national soit levée.

La contractualisation peut être considérée comme l’articulation juridique des relations foncières dans un contexte de marchandisation progressive de la terre. Elle sous-entend l’existence de...

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