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Reviewed by:
  • Before the Eminent Domain: Toward a History of Expropriation of Land for the Common Good by Susan Reynolds
  • Tine De Moor
Susan Reynolds Before the Eminent Domain: Toward a History of Expropriation of Land for the Common Good Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2010, 175 p.

Même si ce n’est pas revendiqué aussi explicitement dans l’ouvrage, Susan Reynolds est de ces médiévistes qui entendent s’attaquer – nouvelles sources à l’appui – à un ancien paradigme, en lui donnant potentiellement plus de pertinence dans le contexte contemporain. Avec Before the Eminent Domain, elle [End Page 576] replace une question extrêmement intéressante dans le contexte de la crise économique actuelle. N’a-t-on pas vu des gouvernements envisager d’utiliser leur droit de préemption, notamment pour racheter des prêts hypothécaires et permettre à des familles menacées d’expulsion de conserver leurs maisons, dans l’espoir d’empêcher une multiplication incontrôlable des saisies et la propagation de la crise financière ? L’idée que les gouvernements doivent intervenir dans l’économie pour empêcher la société dans son ensemble d’être touchée plus gravement a été mise en pratique à de nombreuses reprises au cours de la crise actuelle, y compris en Europe. Le concept de « domaine éminent » en tant que tel est apparu à la toute fin du XVIIIe siècle, mais S. Reynolds remonte bien plus loin dans le temps, jusqu’à l’époque romaine, pour ensuite revenir au Moyen Âge, sa période de prédilection. C’est à cette époque, selon elle, que le concept trouve son origine dans la pratique de l’expropriation foncière au nom de l’utilité générale. Ce faisant, elle revient – de manière plus ou moins convaincante et sans que l’on sache tout à fait si c’est volontaire – sur l’idée que l’État, quasi inexistant à l’époque médiévale, serait le seul et unique acteur « doté » du droit d’intervenir et de revendiquer une action au profit de l’intérêt général.

Ce livre met l’accent sur le recours à la pratique de l’expropriation pour le bien commun plutôt que sur les abus qui l’ont souvent accompagnée, au point d’ailleurs de porter atteinte au bien commun. C’est le cas par exemple avec la privatisation des communaux, entamée assez tôt en Angleterre avant de s’étendre à l’Europe continentale à partir du XIXe siècle. Dans la plupart des cas, lorsque les communaux – qui n’étaient pas des terres privées mais plutôt des propriétés collectives – furent privatisés, ceux qui les utilisaient ne reçurent aucune compensation. Néanmoins, la privatisation leur fut imposée comme une nécessité pour la société dans son ensemble. Étant donné les protestations qui accompagnèrent le mouvement des enclosures, il serait faux de penser que l’idée du droit de préemption allait de soi. On peut faire remarquer que les usagers des communaux n’ont pas toujours été expropriés – tout d’abord, ils n’étaient pas propriétaires des terres mais en possédaient seulement un droit d’usage – au nom de l’intérêt général. Mais où fixer la limite entre ce qui est considéré comme un bien commun et ce qui ne l’est pas ? Comment distinguer ce qui se révèle finalement de l’intérêt général de ce qui ne l’est pas ?

Sa réflexion sur les terres communales aurait pu conduire S. Reynolds à s’appuyer sur leur institutionnalisation à la fin de la période pour étayer sa remise en cause de la vision classique des pouvoirs seigneuriaux au Moyen Âge. Même si les conflits couvaient toujours, l’établissement d’un bien communal, dans de nombreux pays européens qu’étudie S. Reynolds, faisait toujours l’objet d’un processus de négociation entre les villageois et les seigneurs et, lorsqu’un accord était trouvé, il était souvent présenté comme ayant pour objectif de servir l’« intérêt général...

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