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  • Policer Paris au siècle des Lumières. Les commissaires du quartier du Louvre dans la seconde moitié du XVIIIe siècle by Justine Berlière
  • David Garrioch
Justine Berlière Policer Paris au siècle des Lumières. Les commissaires du quartier du Louvre dans la seconde moitié du XVIIIe siècle Paris, École des chartes, 2012, IX-407 p.

De nombreux historiens ont utilisé les archives des commissaires au Châtelet de Paris, mais ces hommes et leur travail restent peu connus. Ils possédaient non seulement des fonctions de police criminelle mais également des attributions civiles et administratives qui les mettaient en contact avec tous les éléments de la population parisienne. Leur rôle s’est considérablement renforcé au XVIIIe siècle. Parfois accusés de corruption, leurs défenseurs les présentaient au contraire comme des hommes dévoués au bien public.

Le grand mérite de ce livre est de nous révéler le commissaire dans son quotidien. En étudiant les quatre hommes qui ont occupé cet office dans le quartier du Louvre au cours du siècle, au moyen d’un examen approfondi de leurs minutes, Justine Berlière éclaire leur emploi du temps, leur façon de travailler, leur conception du rôle de commissaire. À travers une analyse fine, elle montre comment les archives, volumineuses et apparemment impersonnelles, sont construites et organisées, et sont subtilement influencées par la personnalité et les préoccupations du commissaire. Elle étudie également les clercs et les commis, qui, restés invisibles, ont pourtant joué un rôle essentiel dans la production de l’écrit et ont servi d’intermédiaires entre la population et le commissaire, et entre celui-ci et les bureaux de la police.

Les quatre commissaires en question sont des hommes assez différents. Louis Cadot est le fils d’un riche laboureur. Son successeur Hubert Mutel est un descendant de bourgeois parisiens, amateur d’art et de musique (il possède une riche collection de tableaux et d’instruments fabriqués par Stradivarius et Guarneri). Si Cadot et Mutel semblent chercher à s’anoblir, les deux autres, Chénon père et fils, sont de souche et d’ambition solidement bourgeoises. Tous les indices – les réseaux familiaux et les liens indiqués par les faire-part de mariages ou de décès conservés par Chénon père – situent ces quatre commissaires dans un milieu de petite robe et de commerce.

Les commissaires du Louvre n’opèrent pas tous de la même façon. Chénon père est un bourreau de travail, alors que Cadot signe beaucoup moins d’actes. Il semble éviter le contact avec les petites gens et ses absences finissent par susciter des plaintes. Chénon fils est âpre au gain, comme en témoignent ses disputes avec des clients et des procureurs et, cependant, comme son père, il accomplit parfois des actes gratuits en faveur des plus démunis. Si les rébellions contre Cadot sont assez fréquentes et que Chénon fils ne parvient pas toujours à apaiser une foule agitée, Chénon père sait se faire respecter – ce personnage tout à fait exceptionnel fut pour cette raison choisi par ses supérieurs pour remplir des fonctions délicates. En place pendant une cinquantaine d’années, il effectua des centaines de patrouilles de sûreté, souvent nocturnes, et fut chargé des interrogatoires des embastillés ainsi que de la surveillance de la librairie.

L’analyse des finances de ces commissaires est précieuse. Elle confirme le prix de vente élevé de l’office, qui double au cours du siècle. Les mécanismes de l’achat sont compliqués et, dans les trois cas examinés, ils exigent des emprunts qui ne seront pas toujours remboursés avant la revente. Mais les revenus sont potentiellement considérables. Les affaires civiles paient bien et, plus tard dans le siècle, les fonctions de police deviendront de plus en plus lucratives. Les hôtels de Chénon père et de Mutel sont vastes, leur train de vie luxueux. [End Page...

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