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Reviewed by:
  • Naples insurgée, 1647-1648. De l’événement à la mémoire by Alain Hugon
  • Brigitte Marin
Alain Hugon Naples insurgée, 1647-1648. De l’événement à la mémoire Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, XII-408 p.

Tommaso Aniello, dit Masaniello, modeste vendeur de poisson, mena pendant dix jours une violente révolte populaire antifiscale, avant d’être assassiné le 16 juillet 1647. Ce n’était que le premier épisode d’une révolution qui se poursuivit pendant neuf mois, de la radicalisation républicaine jusqu’au progressif retour [End Page 538] à l’ordre monarchique avec l’arrivée de Don Juan d’Autriche, suivi du nouveau vice-roi espagnol, le comte d’Oñate, qui conduisit la répression politique à partir d’avril 1648, en passant par l’entreprise du duc de Guise, débarqué à Naples en novembre 1647.

L’expression « révolution de Masaniello », passée à la postérité pour désigner ces événements, est loin de rendre compte de leur étendue, de leur complexité et de leurs répercussions en Europe. Alain Hugon reprend ce dossier qui ne saurait se réduire à la figure de ce chef populaire, ni à la seule ville de Naples puisque la contestation gagna rapidement les provinces du royaume. Le défi n’était pas mince, tant sont abondants les récits contemporains des événements, tout comme est foisonnante l’historiographie, napolitaine pour l’essentiel. Michelangelo Schipa, Benedetto Croce – qui le désignait comme le « premier exemple de révolution légale » – et d’autres ont livré des clefs de lecture et des interprétations contrastées de l’événement, renouvelées depuis une quinzaine d’années par quelques études d’ampleur. L’auteur exploite cette dense documentation pour mettre à la disposition des lecteurs une étude riche et complexe de cet épisode, alors que ces événements napolitains, pourtant d’une portée considérable, sont presque totalement ignorés de l’historiographie française. Sans vouloir en fournir une nouvelle interprétation, il reprend le déroulement des faits en s’appuyant sur de nombreuses études, essentiellement en langue italienne (Rosario Villari, Aurelio Musi, Silvana D’Alessio, Francesco Benigno, Peter Burke et d’autres), et sur les témoignages des contemporains, fort nombreux, pour remettre la révolution de Naples dans son contexte international et en souligner les singularités. Deux récits en particulier guident l’auteur, celui de Camillo Tutini et Marino Verde, engagés dans la révolution, et celui d’Innocenzo Fuidoro, pseudonyme de Vincenzo d’Onofrio, favorable à la restauration monarchique. Ils sont complétés par d’autres témoignages, dont celui de Francesco Capecelatro, partisan des forces royalistes et aristocratiques. L’orientation sans doute la plus originale de l’étude, développée dans les trois derniers chapitres, concerne la production de l’histoire de l’événement et ses mémoires successives ou concurrentes, modelées au fil du temps.

A. Hugon éclaire plusieurs facettes de cette révolution, signalant chemin faisant les lacunes de l’historiographie et pointant la difficulté de traiter certaines questions. Ainsi, il interroge la simultanéité de la contestation napolitaine avec celle des segadors catalans et avec la sécession portugaise, qui ébranlèrent profondément la puissance ibérique dans les années 1640, mais aussi avec la révolution anglaise et les troubles de la Fronde en France ; une concomitance dont étaient bien conscients les contemporains des événements. Soulignant l’« impuissance à penser la globalité des révolutions du milieu du XVIIe siècle » (p. 17), il n’en cherche pas moins à distinguer des éléments de comparaison, à chercher des correspondances dans les idées et les pratiques, à établir des corrélations, au-delà du seul constat d’une conjoncture commune. Parmi les traits marquants de l’épisode, l’auteur insiste particulièrement sur une dimension qui reste encore peu approfondie dans l’historiographie : les mouvements antiseigneuriaux qui embrasèrent les provinces du royaume dans un contexte de renforcement des pouvoirs féodaux et de vente des biens domaniaux par la Couronne espagnole (la carte des révoltes de l’été 1647 au printemps 1648 montre une centaine...

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