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Reviewed by:
  • Le monde franc et les Vikings, VIIIe-Xe siècle by Pierre Bauduin
  • Laurent Jégou
Pierre Bauduin Le monde franc et les Vikings, VIIIe-Xe siècle Paris, Albin Michel, 2009, 460 p.

Pierre Bauduin prolonge par cet ouvrage le travail qu’il mène depuis deux décennies sur les formes complexes de l’intégration des Vikings au monde franc. Il s’y emploie en adoptant une démarche régressive puisque, après avoir analysé la construction de la principauté normande aux Xe-XIe siècles1, il consacre la présente étude aux relations diplomatiques entre Francs et Vikings au cours des VIIIe-Xe siècles. Cela lui donne l’occasion d’établir un lien intrinsèque entre les échanges noués dès le VIIIe siècle entre les deux peuples et la fortune de la principauté de Rouen fondée en 911. En effet, cette réussite territoriale comme l’intégration rapide des Rollonides au monde aristocratique franc furent rendues possibles par la politique de rapprochement menée par les premiers souverains carolingiens. L’auteur rompt ainsi avec le schéma historiographique traditionnel qui faisait se succéder une période de confrontation brutale aux VIIIe-IXe siècles et un temps d’assimilation des Normands à partir du Xe siècle. Par conséquent, les récits retenus par l’auteur ne sont pas ceux qui relatent les remontées des fleuves par les bandes armées vikings, les destructions d’abbayes, les sièges valeureusement soutenus ou le paiement regrettable du tribut, mais plutôt ceux qui concernent le processus de conciliation, les rituels de paix, les formes de l’échange qu’ont prises les relations entre Francs et Scandinaves durant l’époque carolingienne.

Un premier apport de l’ouvrage est de démontrer que les deux sociétés, même lorsqu’elles s’affrontent militairement, ne sont pas antagonistes et sont liées l’une à l’autre. [End Page 510] Le poète Ermold le Noir va jusqu’à évoquer une tradition selon laquelle le peuple danois aurait donné naissance aux Francs. Plus concrètement, les exemples de rapprochement, de cohabitation, d’adaptation sont légion, des interactions que l’auteur désigne pertinemment sous le terme d’accommodation, qu’il définit comme « l’idée d’adaptation, le fait de se prêter à des concessions et plus encore d’un accord par compromis dans différents domaines, politiques, judiciaires, sociaux, moraux ou religieux », le « processus de régulation des relations entre nouveaux venus et communautés établies » (p. 35-36). L’intention de P. Bauduin n’est nullement de donner une vision irénique de ces relations en éludant le déchaînement de violence qui a émaillé la confrontation entre Francs et Normands, mais plutôt d’insister sur le partage par les deux peuples de normes communes (pratiques politiques, modes de règlement des conflits, rituels de paix…) qui ont rendu possible ce rapprochement. Ainsi, le paiement du tribut aux chefs vikings, que les auteurs médiévaux comme les historiens contemporains présentent comme un acte de capitulation désastreux, participe des stratégies de compromis mises en œuvre par les souverains carolingiens, sans qu’il faille y déceler fatalement une attitude de soumission ou un aveu d’impuissance. Il créait les conditions d’un rapprochement, façonnait des liens d’amicitia entre princes, qu’il convenait ensuite d’entretenir et de renouveler régulièrement.

L’auteur s’attache à décrire les mécanismes, les lieux, les acteurs qui ont concouru ou, au contraire, ont pu représenter un obstacle au bon déroulement de ces relations pacifiques. Parmi les protagonistes, il révèle le rôle méconnu des grandes familles saxonnes dans les négociations : les contacts nés entre les aristocraties saxonne et viking à l’occasion de la résistance contre les prétentions territoriales de Charlemagne furent, après la conquête de la Saxe, mobilisés par les souverains carolingiens à leur profit. Une place importante est également accordée à l’action des...

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