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Reviewed by:
  • Les politiques du risque by Olivier Borraz
  • Yannick Barthe
Olivier Borraz
Les politiques du risque
Paris, Presses de Sciences Po, 2008, 294 p.

Longtemps cantonnée aux seuls domaines des ingénieurs et des économistes, la notion de risque a désormais envahi l’espace public. Comme le rappelle Olivier Borraz dans l’introduction de son ouvrage, cette notion est devenue une référence obligée pour appréhender toute une série de problèmes publics et elle a progressivement, en quelques décennies, « colonisé » le langage des institutions (p. 12). Comment rendre compte d’un tel succès ? En quoi peut-on y voir l’expression de profondes transformations qui affectent l’État et ses capacités de gouvernement ? Telles sont les questions au cœur de ce livre, dont le premier mérite est de chercher à y répondre en renouant avec les exigences de l’enquête empirique. Délaissant les considérations très générales qui caractérisent un certain nombre d’essais produits sur le sujet, comme ceux d’Ulrich Beck et d’Anthony Giddens1, O. Borraz s’appuie sur l’étude minutieuse d’une série de cas, allant des épandages des boues d’épuration à la téléphonie mobile en passant par la vaccination contre l’hépatite B et les Ogm, pour analyser la manière dont certaines activités se voient qualifiées de « risques » et la façon dont elles sont alors gérées par les pouvoirs publics. Par souci de clarté, ce processus de qualification est présenté sous l’angle d’une succession d’étapes, chacune d’entre elles faisant l’objet d’un chapitre. [End Page 294]

La première partie de l’ouvrage est consacrée aux mobilisations et aux controverses à l’origine de la reconnaissance publique de certains risques et de leur inscription sur l’agenda des autorités politiques. C’est l’occasion de rappeler que le processus de mise en visibilité d’un risque peut emprunter bien d’autres voies que la traditionnelle quantification scientifique. Aussi est-ce plutôt en mobilisant les acquis de la sociologie des mouvements sociaux qu’O. Borraz décrit comment des doutes et des soupçons en viennent à émerger à propos d’une activité, lesquels donnent lieu à des mobilisations locales et à des conflits dont la dynamique contribue généralement à faire proliférer les incertitudes ainsi que les acteurs concernés. Au terme de ce processus d’amplification, le problème initial a été transformé ; il s’est vu attribué des caractéristiques qui permettent de le qualifier de risque sanitaire et de le traiter en tant que tel.

La deuxième partie, portant sur la prise en charge et le traitement des risques, permet à O. Borraz de déployer l’argument central de son livre, qui se présente sous la forme d’un paradoxe : d’un côté, le cadrage d’un certain nombre de problèmes publics en termes de risques conduit l’État à réaffirmer sa mission régalienne de production de la sécurité. Chaque crise sanitaire est ainsi l’occasion pour les pouvoirs publics d’afficher leur volonté de prise en charge et de contrôle des risques grâce au recours à l’expertise scientifique. Seulement ce que montre, d’un autre côté, l’analyse du traitement de ces risques, c’est précisément l’incapacité de l’État à réduire les incertitudes et à conjurer les menaces dont elles sont porteuses. En somme, c’est un sentiment d’impuissance qui gagne les représentants de l’État lorsqu’ils constatent la faiblesse de leurs moyens de contrôle des activités porteuses de risques. Il s’ensuit des stratégies de dilution de responsabilité ou d’évitement, qui se traduisent par la mise en place de dispositifs dont « l’enjeu n’est pas tant de prévenir les risques que de réduire leurs effets potentiels sur l’État s’ils venaient à se réaliser » (p. 32). Par ailleurs, la production de connaissances et la gestion concrète des risques sont de plus en plus déléguées à des acteurs...

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