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Reviewed by:
  • Le spectre du jacobinisme. L’expérience constitutionnelle française et le premier libéralisme espagnol by Jean-Baptiste Busaall
  • Alain Hugon
Jean-Baptiste Busaall
Le spectre du jacobinisme. L’expérience constitutionnelle française et le premier libéralisme espagnol
Madrid, Casa de Velázquez, 2012, X-446 p.

Contrairement à ce qu’on a longtemps voulu penser en France comme en Espagne, la Constitution votée par les cortès réunies depuis 1810 à Cadix ne plonge pas uniquement ses racines dans une acculturation du modèle constitutionnel français. L’origine de la pensée constitutionnelle espagnole se situe dans la crise du régime monarchique, qui s’accentue sous le règne de Charles IV (1788-1808) et qu’illustrent les soubresauts politiques liés à l’expression des oppositions au favori royal Manuel Godoy. Plus profondément encore, les réformes structurelles nécessaires, et partiellement entreprises au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, expliquent les aspirations à une régénération de la monarchie espagnole. Longtemps le narcissisme républicain a dominé en France, croyant que la Grande Nation avait assumé sa mission de démocratisation des mondes arriérés. De l’autre côté des Pyrénées, la thèse de l’imitation française par l’esprit malade des Espagnols afrancesados offrait l’avantage de rejeter l’idée d’une remise en cause autochtone de l’absolutisme politique. Jusque tard dans le XXe siècle, la condamnation d’une permissivité excessive à l’égard des influences extérieures a favorisé le maintien de la cohésion nationale autour du pouvoir politique.

Suivant les traces des travaux de l’historien du droit Francisco Tomás y Valiente, les études historiques sur la naissance du libéralisme et du constitutionnalisme espagnols ont fait l’objet de réflexions neuves ces quinze dernières années, ce dont témoignent, entre autres, les travaux de Charles Esdaile, de Joaquín Varela et de Richard Hocquellet comme les commémorations du bicentenaire de la guerre patriotique1. Le contenu de l’ouvrage s’inscrit clairement dans ce courant. Dans l’introduction, l’auteur insiste sur sa volonté de réaliser une histoire du droit comparé en confrontant les diverses expériences constitutionnelles. Selon lui, les constitutions sont bien un produit de l’Espagne. L’intervention française existe, bien sûr, mais elle pouvait correspondre aux attentes péninsulaires d’une régénération dynastique, à l’image de celle qui s’était opérée au début du XVIIIe siècle avec la mise en place de la nouvelle dynastie française des Bourbons. En 1808, la même question pouvait être posée, cette fois autour des Bonaparte.

Pour vérifier cette thèse du caractère endogène des constitutions et pour écarter [End Page 254] le « spectre du jacobinisme », Jean-Baptiste Busaall s’appuie sur sa connaissance des productions péninsulaires et des constitutions françaises. Dans une première partie, après avoir mentionné le contexte de vacance du pouvoir, puisque Charles IV et son fils Ferdinand avaient successivement abandonné leurs droits au trône à l’empereur, l’auteur analyse la nature de l’Acte constitutionnel octroyé par Napoléon Ier – parfois appelé Constitution de Bayonne –, acte qui assied le pouvoir monarchique de Joseph Bonaparte à partir de juillet 1808. L’examen des processus de négociation auxquels cet acte donne lieu souligne la collaboration des élites en place, à savoir le conseil de Castille, la Junte de gouvernement et une assemblée des notables à l’échelle de l’Espagne, qu’on ne peut pas qualifier de cortès car ses membres furent nommés et convoqués à Bayonne par Napoléon. L’historiographie a considéré ce texte comme étranger à l’Espagne et donc peu signifiant, d’autant qu’il fut octroyé et qu’il empruntait à la Constitution française de l’an VIII de nombreux dispositifs en vigueur. Néanmoins, cet acte s’est fondé sur des principes qui relevaient en partie de la culture politique et juridique espagnole : il se basait sur le tissu corporatif de la monarchie et constituait...

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