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Reviewed by:
  • Public Pantheons in Revolutionary Europe: Comparing Cultures of Remembrance, c. 1790-1840 by Eveline G. Brouwers
  • Antoine Lilti
Eveline G. Brouwers
Public Pantheons in Revolutionary Europe: Comparing Cultures of Remembrance, c. 1790-1840
New York, Palgrave Macmillan, 2012, 325 p.

La décision de l’Assemblée nationale, en 1791, de transformer l’église Sainte-Geneviève en Panthéon occupe une place importante dans l’histoire nationale et la mémoire républicaine. Elle est présentée comme l’aboutissement d’un idéal forgé par les Lumières : le culte laïc et national des grands hommes. La Révolution réaliserait les promesses du siècle qui l’a enfanté : remplacer l’éloge des souverains par la mémoire des grands écrivains, des artistes, des savants. Cette alliance de la culture et de la démocratie, sous les auspices de la Révolution, n’est-elle pas une figure caractéristique du roman national ?

C’est ici qu’une histoire européenne comparée permet de déplacer la perspective. Loin d’être un phénomène spécifiquement français, encore moins révolutionnaire, les panthéons publics ont connu une vogue européenne de la fin du XVIIIe au milieu du XIXe siècle, à partir du modèle anglais. Ils n’étaient pas porteurs de valeurs progressistes, nationales ou démocratiques, mais traduisaient plutôt le souci des élites sociales et politiques, sur la défensive, de contrôler la mémoire collective. Telle est la thèse défendue par Eveline Brouwers. Après avoir brossé un rapide et utile tableau de l’histoire longue de la notion de panthéon, depuis l’Antiquité, elle livre quatre études de cas, précisément contextualisées : outre le panthéon français, elle étudie celui fondé par le Parlement anglais dans la cathédrale Saint-Paul en 1793 ; mais aussi la décision, en 1809, d’Antonio Canova de réinvestir l’authentique « Panthéon » de Marcus Agrippa, à Rome, en y rassemblant les bustes des grands artistes italiens aux côtés de la tombe de Raphaël, qui y était enterré [End Page 248] depuis 1520 ; enfin, en Allemagne, le grand projet du Walhalla, ce panthéon allemand rêvé par Louis Ier de Bavière, qui devient réalité en 1841. Chacun de ses projets a une histoire particulière, prise dans les remous de la période, mais tous participent d’une même politique de commémoration aux mains des élites, une captation de capital symbolique selon l’auteur, qui aime citer Pierre Bourdieu.

Chaque cas est bien documenté et habilement étudié. Le bénéfice est particulièrement net pour les épisodes romain et bavarois, moins connus. Le principal problème tient dans la construction d’une interprétation globale. E. Brouwers semble hésiter entre, d’un côté, l’affirmation qu’il existe une histoire culturelle européenne, dont les panthéons révéleraient l’unité et qui tiendrait à une volonté des élites de retarder les effets inéluctables du principe national et de l’ouverture démocratique, et, de l’autre, la reconnaissance de la diversité des expériences nationales. Quoi de commun, en effet, entre les quatre cas, si ce n’est le désir de commémorer les grands hommes de la nation ? À Londres et à Paris, il s’agit de nécropoles, tandis qu’à Rome et en Bavière, ce sont des projets muséographiques. À Londres ou à Rome, le projet s’inscrit dans un espace déjà consacré, du moins en partie, aux grands hommes, tandis qu’en France et en Allemagne, il s’agit d’expériences ex nihilo. Enfin, le cas romain relève presque d’une initiative individuelle, même si celle-ci reçoit l’assentiment du pape, alors que les autres panthéons sont des entreprises étatiques, éminemment politiques. Peut-on alors généraliser à partir de ces cas dissemblables ? A-t-on affaire au même phénomène ? Pour mieux faire entrer le cas français dans sa démonstration générale, l’auteur passe très rapidement sur le...

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