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  • Rituels du pouvoir à Lima. De la Monarchie à la République (1735-1828) by Pablo Ortemberg
  • Jacques Poloni-Simard
Pablo Ortemberg
Rituels du pouvoir à Lima. De la Monarchie à la République (1735-1828)
Paris, Éditions de l’EHESS, 2012, 265 p.

Les souverains espagnols n’ayant jamais fait le voyage des Indes occidentales, l’arrivée de leur représentant, le vice-roi, était essentielle pour affirmer leur autorité sur leurs territoires américains et donner l’occasion à leurs sujets d’outre-mer d’exprimer leur lien de fidélité. Dans un premier chapitre, Pablo Ortemberg étudie les étapes et le rituel de ces entrées vice-royales dans la vice-royauté du Pérou et sa capitale, Lima, la Cité des Rois. L’analyse de ce qui est proposé comme modèle pour la suite de l’ouvrage est particulièrement fine et l’auteur en dégage toute la symbolique.

Dans un deuxième chapitre, P. Ortemberg s’attache aux cérémonies organisées à l’occasion de l’accession au trône des différents souverains de la dynastie des Bourbons, de l’éphémère Louis Ier (1724) au tout aussi fugace Ferdinand VII (1808). Par une étude attentive des descriptions que des témoins nous ont laissées de ces festivités civiles et religieuses, l’auteur y décèle l’écho de la conjoncture. Le paysage de ruines dans lequel se déroule la proclamation de Ferdinand VI, en 1747, Lima ayant été en grande partie détruite l’année précédente par un violent tremblement de terre, est l’occasion de manifester les besoins de la ville et de l’audience ; la présence accrue des militaires dans les défilés de 1759 (accession au trône de Charles III), au cœur de la guerre de Sept Ans, exprime la mobilisation des sujets américains à l’effort de l’empire ; le souvenir de la révolte de Túpac Amaru (1780-1781), avec les craintes que celle-ci avait fait naître chez les Créoles, se traduit, lors de la proclamation de Charles IV en 1788, par l’absence de toute référence aux Incas, présente habituellement lors du défilé des autorités [End Page 234] indiennes du Cercado de Lima ; la critique du visitador Areche, lors du discours de réception du nouveau vice-roi Jáuregui en 1781 prononcé à l’université de San Marcos par José Baquíjano y Carrillo, protecteur des Naturels auprès de l’Audience (le tribunal d’appel), a suscité une controverse. Le rituel de ces proclamations n’est donc pas totalement figé ; sous son caractère en apparence immuable, on trouve l’innovation, « dans cette construction, il y a toujours une tension entre le modèle et l’événement » (p. 79). Et dans la place respective des corps, il y a la trace de la modification des équilibres institutionnels pendant la monarchie des Bourbons, avec les réformes que ceux-ci ont impulsées : le déclin du cabildo (l’échevinage) au profit de l’Audience, celui des ordres religieux au profit des militaires, l’affirmation des entrepreneurs miniers et des marchands du Consulat aux dépens des propriétaires fonciers. L’auteur s’attache aussi à la « fête baroque », décrivant dans le détail les festivités auxquelles les entrées vice-royales et les proclamations royales donnent lieu : défilés et processions (avec l’analyse de leurs parcours), corridas, jeux de canne, feux d’artifice, représentations théâtrales et concours de poésie. C’est l’occasion pour lui de présenter la participation populaire (la plèbe), s’attardant sur celle des Indiens (avec ou sans références incaïques) et des femmes, mais notant l’absence institutionnelle des Noirs, pourtant majoritaires dans la population liménienne au XVIIIe siècle.

P. Ortemberg poursuit l’enquête sur le cérémonial des fêtes civiques au moment de la crise de la monarchie puis des guerres d’indépendance, lors de l’émancipation et après la proclamation de l’Indépendance. Il fait observer...

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