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Reviewed by:
  • La Régence absolue. Philippe d’Orléans et la polysynodie, 1715-1718 by Alexandre Dupilet
  • Katia Béguin
Alexandre Dupilet
La Régence absolue. Philippe d’Orléans et la polysynodie, 1715-1718
Seyssel, Champ Vallon, 2011, 436 p.

Réhabiliter la brève expérimentation politique française du XVIIIe siècle qui a pris le nom de polysynodie : telle est l’ambition du livre d’Alexandre Dupilet, dont le sous-titre annonce qu’il réserve aussi une place importante à l’analyse de l’action politique du Régent, Philippe d’Orléans. Durant les trois premières années du gouvernement de la Régence (1715-1723) qui inaugura le règne de Louis XV, cet essai de gouvernement par conseils s’affichait comme une rupture intentionnelle avec celui des secrétaires d’État en vigueur pendant le règne personnel de Louis XIV, que la critique réformatrice assimilait à un despotisme ministériel. Abolie après trois années d’existence (1715-1718), la polysynodie avait été instaurée en réaction à cette concentration de pouvoir aux mains de quelques ministres surpuissants, promouvant le principe opposé de collégialité de la prise de décision, qui devait aussi permettre au souverain de se consacrer aux affaires d’importance. Elle a cependant laissé l’image d’un pouvoir inefficace, lent, entravé au quotidien par les querelles de préséances opposant les membres d’une haute aristocratie incompétente mais avide de retrouver le pouvoir qui [End Page 225] lui était d’ordinaire dévolu pendant les minorités royales.

Le livre s’attaque à ce verdict historiographique au moyen d’une exposition très classique, en trois parties successivement consacrées à la création de la polysynodie, à la mécanique des conseils, puis à la fin du gouvernement collégial. L’expérience de trois années encadrées par la mort de Louis XIV (septembre 1715) et la suppression des conseils (septembre 1718) a été, selon l’auteur, entachée a posteriori par sa brièveté, ainsi que par les justifications données par le Régent pour y mettre un terme définitif et restaurer les secrétariats d’État. À l’aide de la documentation prolixe laissée par ce régime éphémère, du dépouillement systématique des séries d’archives des administrations du royaume, des placets, de la correspondance politique et des minutes des réponses, mais aussi d’imprimés diffusés pendant la Régence, A. Dupilet s’est attaché à rectifier cette vision sur deux points essentiels. Tout d’abord, il estompe la rupture revendiquée avec le style de gouvernement de Louis XIV, en resituant l’expérience polysynodique dans le continuum d’une administration monarchique peuplée de personnels expérimentés, maintenus dans leurs fonctions en dépit des refontes de l’architecture des conseils. De plus, il estime que le système du gouvernement par conseils n’est pas sans antécédents ni postérité, et il replace la réorganisation politique initiale de la Régence dans la tradition délibérative du gouvernement par large conseil. Partant, l’auteur dépeint la polysynodie comme une variante transitoire et circonstancielle de la gestion absolue de l’État, et non comme une tentative de modération de l’absolutisme. L’ouverture des conseils à l’aristocratie constituait une précaution inspirée par les précédentes régences de 1610-1613 et de 1643-1651, où les mécontentements de la haute noblesse évincée du Conseil de régence s’étaient soldés par des prises d’armes. À cet égard, on ne peut que regretter le trop court passage consacré au souvenir de la Fronde de 1648-1653, dont A. Dupilet rappelle d’ailleurs qu’il est ravivé par la publication de toute une série de mémoires d’acteurs et de témoins de la révolte devenue guerre civile. L’expérience des troubles passés, dont on a cherché à éviter la réitération par des équilibrages qui font place aux partisans comme aux opposants du Régent et aux différents lignages aristocratiques, constitue...

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