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Reviewed by:
  • Martyrs and Murderers: The Guise Family and the Making of Europe by Stuart Carroll
  • Robert Descimon
Stuart Carroll
Martyrs and Murderers: The Guise Family and the Making of Europe
Oxford, Oxford University Press, 2009, XIV-345 p.

Ce livre se lit comme un roman ; sans doute vise-t-il d’ailleurs un public plus large que [End Page 220] les érudits qui sont les lecteurs habituels des ouvrages universitaires. C’est que, de la magnifique pièce de Christopher Marlowe Massacre at Paris, en 1593, au Duke de Guise de John Dryden, en 1682, la famille de Guise tient une place éminente dans la littérature et l’imaginaire anglais. Sont en cause, bien sûr, la reine Marie Stuart, fille de Marie de Guise, qui fut reine régente d’Écosse à partir de 1542, mais aussi la conscience plus affûtée aujourd’hui chez les historiens anglais (et chez les non français, de façon générale) du caractère européen que leur statut princier a conféré – entre autres d’ailleurs – aux Guise, « princes étrangers » au royaume de France1. C’est un des grands apports du présent travail.

Le livre de Stuart Carroll est shakespearien. Comme ses travaux précédents ont tenté de le montrer, le XVIe siècle français est dominé par la violence clanique nobiliaire2, où les Guise tiennent les premiers rôles comme tête d’une des deux ou trois plus importantes affinities du royaume, ces retinues qui formaient la matrice du pouvoir au XVIe siècle. Les historiens anglais appliquent souvent avec rigueur à la France le modèle clientélaire (quelque chose comme un bastard feudalism, même si S. Carroll n’est pas enclin aux développements théoriques3), mis en lumière dans toute son ampleur dans les royaumes d’outre-Manche jusqu’au XVIIe siècle au moins. Ce modèle est crédité d’un mode de fonctionnement hiérarchique sans faille et il s’étend à toute la société (les barricades parisiennes de mai 1588, par exemple, ne s’expliquent que par l’intervention des capitaines de l’entourage du duc de Guise et par la mobilisation des citadins dépendants du duc).

Clientèles et feuds sont les clefs qui ouvrent la compréhension de la saga événementielle qui donne à cet ouvrage soigneux et documenté sa principale matière. Sont tour à tour passés en revue les principaux épisodes historiques auxquels furent mêlés les ducs de Guise. Les bases territoriales et financières de leur puissance sont également décrites avec soin (de la Champagne à la Normandie, en passant par Meudon). La question essentielle semble à beaucoup résider dans la dimension religieuse de l’action des Guise, mais S. Carroll soutient à la fois le caractère fondamentalement œcuménique de la pensée du cardinal Charles de Lorraine (1525-1574) et la détermination machiavélienne de l’action de tous les ducs de Guise à finir par le balafré, qui n’aurait pris la tête des catholiques que dans l’idée de se faire roi.

Les intrigues de cour, les amours adolescentes des princes (peut-on vraiment croire qu’Henri de Guise ait manqué d’être assassiné en 1570 par les frères de Marguerite de Valois qu’il aurait séduite ?), les rêves diplomatiques des Grands sont les vrais moteurs de cette histoire (peut-on penser que l’invasion de l’Angleterre projetée par les Guise en 1583, sans le concours de la monarchie française, était une opération réaliste, alors que l’Invincible Armada y échoua en dépit de la mobilisation des forces vives de la puissance espagnole ?). S. Carroll s’appuie sur des procédés dramatiques : ainsi, le livre s’ouvre sur une « invitation au massacre » (le massacre de Wassy le 1er mars 1562) – alors que l’historiographie actuelle tend à faire commencer la guerre civile à la conjuration d’Amboise (février 1560), ce qui pointe les responsabilités conjointes des protestants et du pouvoir monarchique (voilà pour les « murderers ») – et se clôt sur les assassinats du...

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