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  • L’argent n’est pas le nerf de la guerre. Essai sur une prétendue erreur de Machiavel by Jérémie Barthas
  • Serena Ferente
Jérémie Barthas
L’argent n’est pas le nerf de la guerre. Essai sur une prétendue erreur de Machiavel
Rome, École française de Rome, 2011, XXXV-478 p.

Le livre de Jérémie Barthas s’inscrit dans une généalogie d’études qui comprend en particulier, après les deux essais pionniers du Britannique Louis Marks (1954 et 1960), les travaux de Marvin Becker et Anthony Molho. Ces études ont montré combien les dimensions et la centralité de la dette publique de Florence, et la conséquente compénétration de long terme entre les intérêts d’une oligarchie de banquiers et ceux du reggimento de la République, sont indispensables pour comprendre les conditions institutionnelles du recours aux armes mercenaires – donc du contrôle militaire du territoire gouverné par la ville – et, finalement, la signification économique du conflit entre popolo et grandi. L’énorme dette publique florentine créée au XIVe siècle avait été tôt répartie sur deux, parfois trois niveaux différents, dont les plus exclusifs – la dette flottante qui garantissait des taux d’intérêt élevés et le remboursement du capital – contribuèrent, dans le cours du XVe siècle, à consolider une véritable oligarchie financière [End Page 210] (la définition est celle de L. Marks) ; les quelques dizaines d’individus qui en faisaient partie empiétait sur les recettes publiques et influençaient la législation et les offices fiscaux, tout en bénéficiant de la réputation de patriotisme qui découlait de la volonté de financer les caisses de l’État avec leurs patrimoines privés.

La démarche de J. Barthas s’écarte cependant complètement de celle des études précédentes, puisque son approche n’est pas celle de l’historien des institutions et de la société, mais bien celle de l’historien de la pensée politique. L’une des surprises de cette étude est qu’en effet, bien que l’analyse des contextes politiques et fiscaux soit un élément essentiel de la thèse de l’auteur, elle n’est ni le cœur ni la partie majeure d’un livre dont le langage et le processus argumentatif manifestent la nature essentiellement intellectuelle et philosophique des préoccupations les plus authentiques de l’auteur. Les denses pages consacrées aux « Éléments d’analyse historique » et surtout la courte mais précieuse « Appendice 2 », réunissant des documents relatifs à la dette découverts par J. Barthas dans les Archives d’État de Florence, laissent pourtant entrevoir la possibilité d’un livre très différent de ce que l’on lit.

L’idée forte de cette étude, si forte qu’elle conduirait à une réinterprétation globale de la pensée machiavellienne, est la suivante : Machiavel visa consciemment la profonde connexion entre finances publiques et structure constitutionnelle dans la Florence des Médicis, puis républicaine ; la phrase si étonnante « l’argent n’est pas le nerf de la guerre », le titre du chapitre 10 du deuxième livre des Discorsi sulla Prima Deca di Tito Livio, ouvrirait une fenêtre sur la réflexion de Machiavel en matière de politique économique.

Selon J. Barthas, le paradoxe apparent, la « prétendue erreur » dans Discorsi II, 10 est au contraire la clé qui permet de comprendre la pensée économique (souvent fiscale, en fait, et on regrette un peu que les deux concepts ne soient pas plus clairement distingués dans le discours) de Machiavel. En renversant le lien entre la finance et l’organisation de l’appareil militaire, Machiavel faisait référence à une conscience généralisée (au moins depuis la révolte des Ciompi, d’ailleurs) des conséquences politiques emportées par la dépendance du budget public florentin de prêts à court terme et à taux d’intérêt élevé. Il proposait aussi de les surmonter avec une réforme de l’armée, organique...

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