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  • Uniformiser la foi pour unifier l’Empire. Contribution à l’histoire de la pensée politicothéologique de Charlemagne by Florence Close
  • Sumi Shimahara
Florence Close
Uniformiser la foi pour unifier l’Empire. Contribution à l’histoire de la pensée politicothéologique de Charlemagne
Bruxelles, Académie royale de Belgique, 2011, 367 p.

Cet ouvrage aborde une matière théologique, celle du dogme trinitaire, du point de vue de l’histoire du politique et de ses représentations. S’il est défini dès 325 à Nicée, ce dogme ne s’impose réellement en Occident que sous Charlemagne : sa présence, notable dans les diplômes du souverain et dans les débats théologiques de la cour, invite à s’interroger sur son enjeu politique, surtout à partir de l’installation d’Alcuin auprès du souverain franc. L’articulation du politique et du théologique à l’époque carolingienne a déjà fait l’objet de nombreuses études (par exemple celles de Josef Semmler, Thomas Noble, Marie-France Auzépy, Helmut Nagel, Peter Gemeinhardt, Kristina Mitalaïté ou Donald Bullough). L’apport de Florence Close est d’en faire une synthèse du point de vue des représentations politiques, [End Page 194] synthèse émaillée de mises au point érudites (« excursus », annexes). Son corpus se compose pour l’essentiel d’actes conciliaires, de traités apologétiques et de lettres.

L’ouvrage débute par de précieux prolégomènes retraçant les origines des querelles trinitaires carolingiennes. L’officialisation du christianisme conduit à homogénéiser les croyances et à faire de l’empereur romain un arbitre qui, s’il ne tranche pas en matière théologique, est garant des décisions conciliaires. Or, très rapidement, la Trinité pose question : suggérée et non nommée dans les Écritures (Évangile selon Matthieu 28, 19), elle est formalisée par Tertullien qui crée le terme. Son usage dans la liturgie baptismale et eucharistique incite à sa définition progressive, laquelle est liée à la christologie et à l’économie du salut : il s’agit d’expliquer la médiation exercée par le Christ entre Dieu et les hommes. Une étape décisive, mais pas définitive, est franchie à Chalcédoine en 451: on y affirme que le Christ est constitué de deux natures (humaine et divine) qui ne se confondent pas.

Le deuxième volet introductif porte sur la théologie trinitaire ibérique, puisque c’est en partie en réaction à l’« adoptianisme » que les Carolingiens s’intéressent à la question. La conversion officielle du royaume des Wisigoths au catholicisme, en 589, consacre à la fois l’importance du primat de Tolède et l’autonomie de cette Église face à Rome, renforcée par la conquête musulmane de 711. La querelle trinitaire qui voit le jour dans les années 780 est donc avant tout un débat interne à l’Église ibérique. Peut-être en réaction aux affirmations de Migétius, l’archevêque Élipand de Tolède affirme que l’incarnation du Christ est indissociable de son adoption par le Père. Cette dernière, fondée sur une exégèse de l’épître aux Philippiens 2, 6-11, est entendue comme résultat de la kénose, c’est-à-dire du fait que le Verbe s’est dépouillé de sa divinité en s’incarnant, par humilité. Cela suppose une continuité de substance, non une altération de la relation entre Fils et Père. Les détracteurs de cette thèse ont entendu l’adoption dans un sens juridique : la création d’une filiation « artificielle », associée à une rupture de substance. À l’échelle du monde chrétien ibérique, le débat oppose, sur le plan politique et non seulement théologique, le primat de Tolède, exerçant dans une cité soumise au pouvoir musulman, au souverain des Asturies Maurégato (783-788), soutenu par Beatus de Liébana, désireux de créer une Église asturienne autonome. En 785, Élipand envoie à l’abbé asturien Fidelis une lettre l’enjoignant de rétablir l’orthodoxie dans sa région, ce qui déclenche...

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