In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • L’école d’État conquiert la France. Deux siècles de politique scolaire by Jean-Michel Chapoulie
  • Guy Brucy
Jean-Michel Chapoulie . - L’école d’État conquiert la France. Deux siècles de politique scolaire. Rennes , Presses Universitaires de Rennes , 2010 , 614 pages. « Histoire ».

Le livre de Jean-Michel Chapoulie offre un remarquable exemple des bénéfices que l’articulation réussie de l’histoire et de la sociologie peut apporter à l’intelligibilité des réalités de notre temps. Parmi celles-ci, il en est deux qui, aujourd’hui, revêtent le caractère d’évidences indiscutées : le temps passé à l’école – près de vingt années de la vie des individus – et le but assigné aux études – préparer à l’exercice d’une profession. L’auteur cherche moins à comprendre le « pourquoi » de cet état de fait que le « comment ». Travaillant dans la longue durée, il ne se contente pas d’appréhender l’aspect quantitatif du problème par une étude statistique rigoureuse ; il rompt avec les approches classiques en déplaçant la focale sur les caractéristiques de l’offre et de ses variations. Par l’ampleur de ses investigations, impressionnantes de minutie, il revisite les chronologies, réévalue l’importance des enseignements intermédiaires, réfute la thèse de la scolarisation par la « demande sociale » pour, au terme de son travail, s’élever au niveau d’une vision renouvelée et stimulante du « processus de développement de la scolarisation sur deux siècles » (p. 19).

La première partie s’attache à « la genèse de l’organisation et des problèmes du système scolaire de la Troisième République ». Présentant les « théories indigènes de l’école » après 1789, il suit de près les transformations de l’enseignement primaire entre 1830 et 1880 qui aboutissent au triomphe d’un modèle suffisamment souple pour s’adapter aussi bien aux écoles urbaines qu’aux écoles rurales. Surtout, il traque les premières manifestations d’une nouvelle forme de scolarisation : les enseignements intermédiaires. Destinés aux « classes moyennes », ils sont l’objet de réalisations variées – filières spéciales des collèges, cours à vocation professionnelle, écoles primaires supérieures – qui, en dépit d’une histoire complexe, finissent par s’imposer au point d’avoir une influence durable sur l’évolution de l’enseignement secondaire. C’est du reste dans cette perspective que se pose alors la question de savoir si l’école peut ou non préparer au travail. L’auteur souligne d’emblée toute la complexité du problème : d’abord parce que la création d’un enseignement [End Page 130] professionnel n’est pas au premier plan des préoccupations, ensuite parce qu’elle est « un sujet de spéculations plus que l’objet de réalisations » (p. 98), enfin parce qu’elle n’est pas dissociée d’une réflexion sur la condition ouvrière. Malgré les obstacles, des solutions émergent peu à peu à l’échelon local et les débats s’amplifient sur la nécessité de créer des établissements scolaires spécifiquement dédiés à l’apprentissage d’un métier.

La deuxième partie analyse le « fonctionnement ordinaire » du système scolaire de la IIIe République. Après avoir donné une vision d’ensemble des évolutions de la scolarisation entre 1800 et 1940 dans les filières masculines et féminines de l’enseignement prolongé, Jean-Michel Chapoulie change d’échelle d’observation pour examiner finement les manières dont raisonnent et agissent les administrateurs à tous les niveaux pour recruter suffisamment d’élèves dans un contexte d’étiage démographique et de forte concurrence entre établissements. Le respect de l’obligation scolaire est au cœur du chapitre VIII dans lequel on voit les réticences initiales des familles se muer progressivement en acceptation au cours des années 1920 pour être définitivement maîtrisées à la fin des années 1940. Les pages consacrées à l’émergence et au développement de l’enseignement technique sur une longue période (1860–1940) montrent comment, entre...

pdf

Share