In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Sans différends, point d’harmonie. Repenser la criminalité en Nouvelle-France by Josianne Paul
  • Jean-Philippe Garneau
Paul, Josianne – Sans différends, point d’harmonie. Repenser la criminalité en Nouvelle-France, Québec, Septentrion, 2012, 355 p.

Fruit d’une thèse de doctorat à peine remaniée, cet ouvrage se propose d’étudier la criminalité en Nouvelle-France (en fait, dans la juridiction de Montréal) sous l’angle des modes de résolution des conflits et de la prise en charge étatique des illégalismes, deux phénomènes qui contribueraient à maintenir, chacun à leur façon, l’harmonie sociale de la société coloniale. Empruntant à la criminologie contemporaine, le livre entend mettre l’accent sur l’expérience des individus, leurs conflits et la recherche d’un sentiment de justice, plutôt que sur la logique institutionnelle de l’appareil judiciaire et une vision objective du crime. L’auteure espère ainsi faire avancer la réflexion des historiens sur un sujet qui, pourtant, a été largement étudié depuis le tournant des années 1980, ailleurs comme ici. Autant le dire tout de suite, ce livre ne remplit pas ses promesses et comporte, à mon avis, de très sérieux problèmes.

Le premier chapitre expose le cadre théorique, notant les affinités entre criminologie et histoire. On est en droit de se demander pourtant comment les préoccupations et les concepts de la criminologie, une science qui s’est développée dans un contexte punitif radicalement différent de celui qui prévalait en Nouvelle-France, peuvent s’appliquer toujours avec profit à la situation coloniale entre 1693 et 1760. La notion de « situation-problème » n’apporte pas grand-chose à la discussion à mon avis. Les termes de conflits, d’illégalisme ou de crime (et d’autres encore) suffisent à opérer les nuances nécessaires à une approche constructiviste de la criminalité. Par ailleurs, les travaux en anthropologie juridique, familiers pour certains historiens cités dans cet ouvrage (comme Colin Coates), proposent des perspectives et des notions plus adaptées pour aborder et comprendre la gestion des conflits interpersonnels. La fréquentation de cette littérature aurait permis d’éviter de confondre, par exemple, les notions assez distinctes de médiateur et d’arbitre (chapitre 3). Enfin, je trouve l’évaluation des lacunes de l’historiographie plutôt injuste, voire cavalière par moment. On peut sans doute critiquer, par exemple, la typologie des modes de résolution des conflits proposée par B. Garnot (infra-, extra- ou para-justice). Mais conclure que « tous ces concepts ont pour base une conception dominante de la justice » est bien mal rendre compte de la pensée de cet auteur. Même si un coup de chapeau est donné aux travaux d’historiens tels A. Lachance, P. N. Moogk, J.-F. Leclerc, le soussigné et M. Duquet – ces trois derniers ayant spécifiquement traité du règlement des conflits –, l’auteure ignore ou parfois déforme leur apport et leurs conclusions en plusieurs endroits du livre.

Le second chapitre brosse le tableau des situations conflictuelles « susceptibles d’être criminalisables » [sic]. Transgresser les normes de la société génère des « situations problèmes », nous explique-t-on, et celles-ci sont d’origine privée lorsque la violation des règles résulte de l’interaction « de deux corps sociaux ou plus ». L’analyse des dossiers judiciaires montrerait que « les racines des conflits » plongent dans les exigences de l’honneur, la prééminence de la famille (du père surtout), les mille et un usages autour de la propriété, de la subsistance ou du travail, certains comportements marginaux ou exceptionnels (comme la folie). [End Page 271] Il est un peu ironique de constater que cet inventaire est apparemment réalisé à partir des sources judiciaires alors que l’ambition de cette étude est de s’affranchir d’une approche trop centrée sur la justice. Comment prétendre que cette lecture des « situations-problèmes » à travers le regard des gens de justice n’est pas limitée ou teintée par l’institution judiciaire et les modalités du recours en justice, l’une seulement des...

pdf

Share