Abstract

En 1961, dans son article « Contemporary French Feminine Literature », Henri Peyre fait l’éloge d’une écriture féminine qui a son mot à dire, et prend le soin tout particulier de dédier plusieurs paragraphes à Colette qu’il tient responsable de l’image négative du genre. Selon lui, elle manque de lucidité et de curiosité intellectuelle comme écrivain (52). Parce qu’elle ne questionne pas les problèmes sociaux, son esthétique intimiste ne dépasse pas le décorum et ses textes restent à la surface des choses. Issue de la bourgeoisie française de province, Colette ne peut pas prendre conscience des injustices sociales qui l’entourent et remettre en question ses valeurs bourgeoises. De ce fait et simplement, elle finit par épouser l’idéologie de sa société. Ce reproche à l’égard d’un manque d’intérêt pour la critique sociale dans le texte colétien est émis par plusieurs autres critiques postérieurs à Peyre. La distinction entre « Colette, le personnage » et « Colette, l’auteure » prête souvent à cet amalgame entrainant une lecture incomplète du texte colétien et résistant ainsi à une étude socio-culturelle.

Dans cet essai, Schmitz propose de réviser cette interprétation en examinant le théâtre de Colette à la lumière d’une critique sociale. Férue de mode, et parce que les vêtements participent encore à déterminer la sociabilité des femmes en ce début de vingtième siècle, Colette déconstruit le langage psychosocial de la mode de la Belle Epoque et celle de la nouvelle femme. En soulevant les contradictions des deux modes dans ses pièces, la dramaturge révèle une société en transition difficile au niveau de ses rôles sexués, indiquant même un retour en arrière des mentalités après la Première Guerre mondiale. Finalement, Colette suggère un modèle de renaissance sociale grâce à la mode des gens du spectacle qui neutralise la sexualité et s’efforce ainsi de mettre tout le monde sur un même pied d’égalité.

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