Abstract

En 1901 la Revue d’art dramatique publie un dossier intitulé « Le féminisme au théâtre ». Dans un article intitulé « Le Théâtre féministe », Marya Chéliga affirme qu’ « il serait intéressant et même instructif d’entendre [la femme] raconter elle-même ses impressions, […] voire même ses griefs contre la société ». C’est pourquoi, dit-elle, elle a créé en 1897 le Théâtre Féministe, un théâtre « pour les femmes dramaturges, afin qu’elles puissent librement donner la mesure de leur talent, exposer leurs idées, livrer le secret de leur âme réputée indéchiffrable ».

Cet essai se propose d’éclairer la notion de « féminisme au théâtre », telle qu’elle est comprise par les journalistes qui ont contribué au dossier de la Revue d’art dramatique de 1901, mais aussi telle qu’elle est représentée sur scène. De fait, les pièces jouées dans le cadre des soirées initiées par le « Théâtre Féministe » illustrent les problématiques liées aux représentations théâtrales de l’émancipation féminine. Ainsi de la pièce Libre ! de Jeanne Herter-Eymond, jouée au théâtre d’Application le 3 février 1898, qui, dès son titre exclamatif, révèle un désir de montrer sur scène le geste d’une révolte. C’est la révolte d’une femme, celle d’Hélène une jeune bourgeoise mariée à un homme, ou plutôt un type d’hommes, un certain Philippe, imbu de lui-même, et fièrement convaincu de la supériorité de sa classe et de son sexe. Philippe est le mari ; représentant de manière caricaturale la suffisance masculine à l’intérieur du mariage, il incarne l’obstacle auquel l’épouse doit se mesurer pour s’affirmer libre. Cependant, si la pièce de Jeanne Herter-Eymond participe effectivement d’une réflexion féministe sur les obstacles que les femmes doivent surmonter, elle montre aussi que les révoltes féminines, ébauchées sur le mode de l’opposition verbale, échouent par leur impossibilité de se définir dans de nouveaux espaces de liberté.

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