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Reviewed by:
  • Médée protéiforme by Marie Carrière
  • Anne Aubry
Carrière, Marie. Médée protéiforme. Ottawa: PU d’Ottawa, 2012. isbn 9782760307865. 210 p.

L’ouvrage de Marie Carrière, professeure de Littérature à l’Université de l’Alberta à Edmonton, Médée protéiforme, se penche sur les occurrences du mythe médéen dans des textes contemporains écrits par des femmes, à travers une étude comparative s’appuyant sur une optique féministe et mythocritique.

De fait, depuis les années soixante- dix, comme l’écrit Marie Carrière, les récits d’infanticides abondent dans la littérature féministe et le mythe de Médée prend le caractère d’un intertexte “avoué ouvertement ou en filigrane,” (14) dans des œuvres venant de domaines très variés. Il est bien évident que la mère est un enjeu social absolument fondamental, particulièrement dans la pensée féministe qui a peiné à se situer par rapport à l’idéalisation de la femme- mère toute puissante. C’est sûrement la raison pour laquelle il est intéressant de noter que jusqu’à relativement récemment, l’écriture féminine avait privilégié d’autres mythes: la Méduse avec Cixous, Déméter et Perséphone avec Luce Irigaray, Clytemnestre avec Marguerite Yourcenar, Electre avec Plath et Antigone chez Butler, Irigaray et Yourcenar. On le voit, tous les mythes sont sollicités, plutôt que celui d’une mère qui s’en prend à ses propres enfants!

Marie Carrière présente donc les huit œuvres féminines de son corpus selon la manière dont l’infanticide y est représenté: soit de manière révoltante (Cardinal, Porter, Rame, Bosco), soit en le niant ou en le révisant (Wolf, Bessora), soit atténué par les circonstances sociohistoriques intenables (Moraga, Agnant). Pourtant, ce qui est nouveau dans les réécritures du mythe à partir des années soixante- dix, c’est que la parole des femmes, jusqu’alors autocensurée ou déviée, commence à s’affirmer en interrogeant la place de cette mère infanticide.

Tout au long du vingtième siècle, la réécriture du mythe de Médée prend forme dans pratiquement tous les arts, avec le théâtre (Anouilh), la danse (Martha Graham), le cinéma (Pasolini, Lars von Trier), l’opéra (Mikis Theodorakis, Philippe Claudel). Ce mythe a donc une transcendance qui n’est plus à démontrer, mais l’étude de Marie Carrière cherche surtout à approfondir les perspectives qui lui sont associées en combinant celles de la pensée féministe, psychanalytique, postmoderne et postcoloniale, de façon à “permettre l’émergence d’un nouveau regard herméneutique sur la riche figure de Médée” (23). [End Page 259]

Elle organise donc sa recherche en quatre étapes distinctes. Elle va tout d’abord sonder la censure, le tabou: en eff et, Médée dément violemment les axiomes du maternalisme. Ensuite, Marie Carrière s’arrête sur les épreuves que subit Médée, en étant confrontée à l’exil, à la mélancolie et à ses propres contradictions. Mais pour dépasser ces propres contestations, elle met ensuite en avant les composantes qui rendent Médée humaine, et de là, elle souligne comment et pourquoi les auteures contemporaines obligent à une dimension plus multi-dimensionnelle, sinon ambivalente, de la mère, de la femme séquestrée. Enfin, Marie Carrière montre que les réécritures du mythe de Médée sont indicatrices de la pensée féministe dans la dimension d’une réécriture de la maternité ainsi que du sujet mythique au féminin mis en œuvre.

Dans le premier chapitre, elle met en place une définition du mythe et du récit mythique, conceptualisé à la fois comme dynamisme (en reprenant la vision de Brunel) et comme supplémentarité (comme l’indique Derrida). Marie Carrière reprend à son compte la définition de Lévi- Strauss selon laquelle “un mythe se compose de l’ensemble de ses variantes, littéraires ou non.” Le deuxième chapitre permet ensuite de préciser les...

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