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Reviewed by:
  • Je la voulais lointaine by Gaston-Paul Effa
  • Moïse Ngolwa
Effa, Gaston-Paul. Je la voulais lointaine. Paris: Actes Sud, 2012. isbn 9782330002763. 144 p.

Gaston-Paul Effa est romancier, essayiste, critique littéraire, restaurateur et professeur de lycée. Il enseigne la philosophie au Lycée Mangin. Avec (1998), son deuxième roman, Effa obtient le Prix Erckmann-Chatrian et le Grand Prix littéraire de l’Afrique noire en 1998. Il est l’auteur des fictions: Tout ce bleu (1996), Le Cri que tu pousses ne réveillera personne (2000), La Salle des professeurs (2003), Le Cheval-roi (2004), Voici le dernier jour du monde (2005), À la vitesse d’un baiser sur la peau (2007) et Nous, enfants de la tradition (2000). Gaston-Paul Effa a aussi collaboré à la publication de l’essai Le Juif et l’Africain, double offrande (2003) et des œuvres suivantes: Couleurs des temps (1999), Icône, sanctuaire de la présence (2000), Le Livre de l’alliance (2003), Tous les enfants du Monde (2003) et Cette Langue est bien un feu (2004).

Dans Je la voulais lointaine, roman publié en 2012, Obama, narrateur autodiégétique dont le nom signifie aigle chez les Fang, ethnie dont il est issu, livre le récit de son exil. Parti de son pays malgré les avertissements de Lala la sorcière, “Ici tu es quelqu’un. Le jour où tu débuteras ailleurs, tu ne seras rien” (17), Obama débarque à Strasbourg après un long et pénible voyage. Dans cet espace qui incarne la ville: “Strasbourg n’est pas une ville c’est la ville” (50), il expérimente la solitude, le dépaysement, le froid, l’hiver, la neige et devient nostalgique: “Pourquoi suis-je ici? J’ai laissé derrière moi les beaux ciels et les soleils d’Afrique” (35). Obama entame sa scolarité au collège Saint-Étienne. Il prend aussitôt conscience de son étrangeté à travers le langage et l’accent alsacien de son entourage.

J’aurais pu penser que ces formes qui me choquaient, plus qu’une simple maladresse de langage, étaient des manières de parler propres à Strasbourg, comme l’accent qui n’était pas plus le mien que le leur. Pas un instant pourtant cette idée ne m’effleura. Je ne doutais pas que le langage châtié que j’avais appris dans mon Afrique à coups de bâton était le seul vrai, et la certitude s’ancra en moi que le langage de mes professeurs, de mes camarades mêmes appartenait à un univers qui n’était pas le mien, dans lequel je ne me reconnaissais pas.

(26) [End Page 231]

La désillusion de l’exilé précède la démystification de l’ailleurs. Celle-ci se produit lorsqu’Obama rencontre “une femme résignée, usée par une douzaine de grossesses ou encore ce clochard aigri, coléreux” qui effacent en lui “le cliché d’une France radieuse où tout le monde était heureux” (29).

Passionné de littérature et de philosophie, Obama poursuit ses études à la faculté de philosophie et côtoie les professeurs Philippe L.-L et Jean-Luc N., disciples de Lacan et de Derrida. Il fait ensuite la connaissance de Julia, l’étudiante la plus brillante de la faculté. Et il la séduit en confectionnant un mets succulent de la cuisine africaine. Après quelques flottements dans le comportement de Julia, leur relation se stabilise temporairement lorsqu’elle propose à Obama de venir habiter avec elle. Le personnage principal trouve également refuge dans les librairies, se “gorge de littérature” (49), compare sa vie à celle des personnages romanesques avant de se consacrer à son tour à l’écriture qui le délivre de l’angoisse. Son malaise est dû au sentiment d’étrangeté qui l’habite en permanence et au rejet de l’Afrique qu’il “voulai[t] lointaine” (42). L’abandon de la terre natale et de ses traditions se manifeste autant par son déplacement d’un continent à l’autre que par son refus de garder le sac totémique que lui avait légué Elé, son grand-père défunt, mystique et...

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