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  • Innu Nikamu – L’Innu chante : Pouvoir des chants, identité et guérison chez les Innus by Véronique Audet
  • Hugo Ferran
Véronique Audet, Innu Nikamu – L’Innu chante : Pouvoir des chants, identité et guérison chez les Innus, Québec : Presses de l’Université Laval, 2012, 292 pages.

Les musiques autochtones d’Amérique du Nord ont subi de multiples influences depuis l’arrivée des premiers explorateurs européens jusqu’à nos jours. Si les musiques « traditionnelles » [End Page 248] et chrétiennes des populations amérindiennes sont relativement bien connues, l’emprunt de répertoires séculiers, tels que le rock, le folk et la musique country, est largement moins documenté. En analysant les processus d’appropriation de ces musiques chez les Innus du Québec et du Labrador, l’ouvrage de Véronique Audet vient apporter de nouveaux éclairages – ethnomusicaux – aux mouvements de décolonisation et de revitalisation culturelle qui animent les mondes autochtones nord-américains depuis la seconde moitié du 20e siècle.

Issu de plusieurs séjours et enquêtes de terrain, ce livre s’attache à explorer les rapports entre musique, identité et « guérison sociale ». La notion de guérison prend tout son sens à la lumière de la thèse défendue ici. Dans un contexte marqué par les « blessures » infligées par la colonisation, la subordination gouvernementale et le désordre interne qui en résulte (pauvreté, alcoolisme, toxicomanie, violence, dépression, criminalité), la musique jouerait un rôle « thérapeutique » au niveau individuel et collectif (p. 12). Dans la mesure où les chanteurs donnent à entendre leur vision de la culture et de l’histoire innue, leurs chants agiraient comme des « exutoires » susceptibles d’apporter le bien-être individuel, tout en renforçant la cohésion sociale et l’identité du groupe (p. 15). En ce sens, les chants innus seraient collectivement perçus comme des « emblèmes culturels », ou encore comme des « instruments de résistance et d’affirmation […] d’une identité distincte par rapport aux sociétés dominantes » (p. 5).

Cette hypothèse, pour le moins originale, est née du constat que les chanteurs-musiciens innus évoquent spontanément les thèmes de l’identité et de la guérison, sans que la question leur soit posée lors des discussions ou entretiens (pp. 23–24). Ce livre se donne pour objectif de faire ressortir les significations que recouvrent ces termes aux yeux des Innus, afin de dévoiler la manière dont ces derniers conçoivent la musique à l’heure actuelle.

L’ouvrage, accompagné d’un disque compact et illustré de multiples photos et d’une carte, s’organise en quatre chapitres. Après une introduction présentant le cheminement de l’auteure (parcours personnel, choix du sujet), le cadre disciplinaire (ethnomusicologie, anthropologie de la musique), la problématique (identité, guérison), la méthodologie (observation participante, entretiens), la société innue1 et les communautés étudiées2, le premier chapitre dresse un tableau succinct des musiques dites traditionnelles. Ces musiques auraient des « caractéristiques propres identifiables aux Innus » (p. 42). Parmi elles, on retiendra le tambour teueikan et les chants qui l’accompagnent, la danse collective en cercle makushan, les chants associés à un récit mythique ou accompagnant un déplacement, les hochets et sifflets cérémoniels aujourd’hui utilisés par les enfants, les berceuses, les chants révélés par le rêve, ainsi que le pouvoir spirituel et social que procure ces révélations. Malgré les allusions au changement et au caractère variable, flexible et ouvert de ces musiques (p. 42), l’usage du terme traditionnel donne une impression de figement. Si la catégorie des « musiques traditionnelles » existe bel et bien dans le langage vernaculaire (les aînés en seraient les tenants), son utilisation dans le champ analytique apporte plus de confusion que d’éclaircissements. La redondance de certains termes vient également alourdir le texte, en particulier l’expression « mode d’être au monde », qui renverrait à une certaine ontologie et épistémologie relationnelle. Si l’on se réfère à la classification proposée par Descola (2005), on en d...

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