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  • Contes en réseaux: l’émergence du conte sur la scène littéraire européenne by Patricia Eichel-Lojkine
  • Sophie Raynard
Contes en réseaux: l’émergence du conte sur la scène littéraire européenne. Par Patricia Eichel-Lojkine. (Seuils de la modernité, 16.) Genève: Droz, 2013. 457 pp.

Dans le champ actuel d’études sur les contes, très actif et diversifié sur le plan méthodologique, cet ouvrage se propose spécifiquement de remonter aux sources originelles des contes, de veines occidentale ou orientale, afin de présenter le corpus italien (Straparole et Basile) et français (Perrault et Mme d’Aulnoy) des seizième et dix-septième siècles sous de nouvelles lumières. Patricia Eichel-Lojkine conçoit en effet le conte comme un ‘lieu de transferts culturels’ (p. 10) et mène ici l’enquête sur son itinéraire pluriculturel à travers le temps et l’espace. Ainsi, dans la première partie, Eichel-Lojkine montre à travers des exemples précis de contes comment les contes italiens et français ont su à la fois reprendre le matériau folklorique issu du Moyen Âge en passant par l’Orient et en s’adaptant aux cultures qui les ont recueillis, qu’elles soient chrétiennes ou juives, et par là démontre qu’il s’agit d’‘un genre faussement intemporel’ (p. 50). De là, elle décrit la ‘dynamique transformationnelle’ qui s’est opérée de Straparole à Perrault en passant par Basile à travers des exemples qui montrent la parenté entre différentes versions du même conte selon la méthode de la ‘comparaison différentielle’. La deuxième partie de l’ouvrage propose d’étudier des cycles particuliers de contes afin de mettre en application les théories sur ‘l’identité plurielle’ du conte développées dans la première partie. Eichel-Lojkine propose ainsi une enquête sur deux cycles de textes des seizième et dixseptième siècles qui racontent tous des histoires d’ascension sociale par le mariage avec l’aide d’animaux serviables (un chat en particulier), mais qui se distinguent par des différences notables, ceci dans le but de déterminer les diverses orientations données par les auteurs respectifs. Ainsi sont examinées ensemble les versions du ‘Chat botté’ de Straparole (‘Costantino Fortunato’), de Basile (‘Cagliuso’), et de Perrault (‘Maître Chat’) pour montrer que cette dernière version est le résultat d’un processus transformationnel. La troisième partie enquête à son tour sur un cycle d’histoires similaires mais différentes qui tournent cette fois autour du motif du cheveu d’or. Ainsi est retracé l’itinéraire du conte de la ‘Belle aux cheveux d’or’ et sa déclinaison en Europe avec le ‘Livoretto’ de Straparole, sa transition par le livre juif (grâce aux deux grands centres d’impression [End Page 279] Venise et Bàle), pour aboutir enfin à la récriture galante de Mme d’Aulnoy. Enfin, une dernière étude de contes retrace l’itinéraire du motif de l’animal serviable à travers ses mutations dues aux contextes culturels variés (Antiquité, Orient indien et arabe, monde chrétien, etc.). La thèse qui ressort de cet ouvrage, d’une très vaste érudition et portant sur un corpus inattendu (on pense notamment aux textes juifs), est que la naissance du conte de fées traditionnel et sa diffusion européenne sont le résultat d’un processus de dissémination narrative et de contaminations culturelles, au moment du passage décisif entre collecteurs d’histoires et auteurs et époque charnière où l’oral et l’écrit se côtoyaient encore. Eichel-Lojkine conclut en remarquant que ce contexte a également préparé le terrain à l’accueil des contes arabes (grâce à la traduction d’Antoine Galland au tournant des dixseptième et dix-huitième siècles), eux-mêmes provenant de patrimoines culturels divers.

Sophie Raynard
Stony Brook University
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