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  • La construction du social. Souffrance, travail et catégorisation des usagers dans l’espace public by Marc Loriol
  • Christian Chevandier
Marc Loriol. - La construction du social. Souffrance, travail et catégorisation des usagers dans l’espace public. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 214 pages. « Le sens social ».

C’est un des intérêts de l’habilitation à diriger des recherches, aux modalités fluctuantes selon les disciplines, que de permettre à des chercheurs d’expliciter la dimension théorique de leur démarche tout en exposant les travaux qu’ils effectuent, dimension épistémologique de l’œuvre d’un praticien plus communément artificielle dans les thèses. Confrontant une notion ou un concept à un objet, ayant déjà éprouvé l’outil qu’il présente au lecteur, l’auteur en est d’autant plus pertinent. Le sociologue Marc Loriol se livre à cet exercice dans un ouvrage en trois parties, chacune ayant sa cohérence propre et pouvant même être abordée comme un petit livre. Mais c’est bien comme un ensemble qu’il doit être appréhendé, et l’auteur insiste sur la démarche heuristique que constitue l’étude conjointe des identités professionnelles et des politiques publiques.

Le premier chapitre est consacré au constructivisme – plutôt qu’au « constructionnisme », avec lequel certains auteurs, psychologues pour la plupart, établissent une distinction précise – et comporte une bibliographie critique des processus de construction sociale. L’auteur y plaide pour un usage raisonné du constructivisme auquel seules échapperaient les sociologies basées sur une vision déterministe du monde social. Il prend garde à se démarquer des pratiques parfois inconsidérées et insiste sur la nécessité de le distinguer du relativisme, du spontanéisme et du post-modernisme : la confusion faite par ses détracteurs en donnerait une « version caricaturale ». Il estime également important de souligner la nature anti-essentialiste du constructivisme. [End Page 143]

Le deuxième chapitre examine la construction sociale des entités cliniques en santé mentale au travail, le stress, la fatigue, le burn out, le harcèlement moral. L’auteur ne les considère pas comme des problèmes imaginaires, mais estime que ces phénomènes psychiques ou émotionnels, du fait de leur grande plasticité, ne peuvent pas être dissociés de la manière dont ils sont considérés et exposés. L’histoire, clinique et politique, de ces symptômes appréhendés comme des maladies est mise en perspective avec les effets de leur dénomination. Bien loin de se réduire à la dimension physique des phénomènes étudiés, cette étude se situe somme toute dans la continuité de Charles Fourier qui estimait que, dans le phalanstère, la fatigue tout comme l’ennui disparaîtraient. Marc Loriol décrit et analyse le passage entre les situations de travail, à la production de sens souvent déficitaire, et la construction de catégories générales relevant de la pathologie ou à sa marge. L’on comprend ainsi plus aisément pourquoi, à un moment où les identités professionnelles sont attaquées avec vigueur par les politiques de « ressources humaines » – notamment le New Public Management qui, en vertu de la RGPP (révision générale des politiques publiques), fait des ravages au moment où le sociologue mène ses travaux –, les observations puissent être si fécondes. La réception de ces notions par les groupes professionnels concernés permet de mieux les éprouver. L’on constate alors sans grande surprise que, si infirmières et travailleurs sociaux adhèrent à des analyses qui mettent en avant les individus, les policiers ne se reconnaissent pas dans des approches psychologisantes tandis que les conducteurs de bus parviennent, grâce notamment à l’action syndicale mais aussi parce que leur fierté professionnelle est fondée sur des compétences techniques plutôt que sur une dimension relationnelle, à imposer une définition plus collective de ces problèmes. À cet égard, le retour sur les travaux de Louis Le Guillant, au milieu des années 1950, montre à quel point, en psychopathologie du travail, la collaboration entre chercheurs et organisations syndicales est fondatrice.

Le troisième chapitre est une approche...

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