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  • Afrique subsaharienne
  • Par Karen Bouwer

Œuvres de création

Boni, Tanella. L'Avenir a rendez-vous avec l'aube. La Roque-d'Anthéron: Vents d'ailleurs, 2011. ISBN 9782911412929. 87 p.

Lourde est la tâche de la poète quand la rupture vient interrompre la routine de la vie ordinaire: celle de marier "les yeux / du monde qui se meurt / avec l'eau vive qui sauve les cœurs" (11). Le recueil, dont le titre nous semble plus optimiste que le contenu des poèmes mêmes, est divisé en deux parties de onze et dix poèmes respectivement: "Terre d'espérance" et "La vie assassinée." Comment maintenir en vie l'espoir quand on vit l'ère des hyènes, quand des enfants jouent "à la mitraillette" et qu'"une pluie de balles inond[e] le pays" (40)? Comment réanimer "la source Amitié" (53), "l'eau Amitié" (69)? La langue plutôt suggestive et métaphorique de la plupart du recueil fait place dans les dernières pages à l'évocation directe de la violence. La répétition anaphorique martèle l'outrage et l'impuissance que ressent le Moi lyrique: "le père" apparaît huit fois dans une vingtaine de vers dans le poème huit, ce père "roué de coups" et "déchiré de toutes parts" (81). Sont nommés à l'avant-dernière page les lieux provoquant la rupture évoquée au début du recueil: Scio, Guernica, le Rwanda, la Côte d'Ivoire. Le rendez-vous avec l'aube semble bien lointain quand l'ultime poème pose cette question navrante: "Comment dire la beauté du monde / quand l'espérance de vie / s'effrite comme mille-feuille" (86). Mais, n'oublions pas que "[l]'avenir et le pouvoir se repaissent de la même terre engraissée par [l]es morts" (quatrième de couverture). Boni a obtenu le prix Kourouma en 2005 pour son roman Matins de couvre-feu et le prix international de poésie Antonio Viccaro en 2009.

Ébodé, Eugène. Métisse palissade. Coll. Continents noirs. Paris: Gallimard, 2012. ISBN 9782070137091. 255 p.

"La palissade est bien haute aujourd'hui, mais il faut franchir l'obstacle" (13). Cet incipit sera repris en diverses versions à travers le texte (51, 127, 216, 253) qui raconte les péripéties et épreuves traversées par la famille du narrateur, fils d'une Française et d'un écrivain camerounais infidèle. Il s'agit d'un récit à la première personne adressé à un ami du père, narrant la désunion de ses parents. Le narrateur [End Page 193] hésite au départ à se retourner sur le passé, ayant peur de s'égarer dans "un dédale de sentiments moites et persillés d'angoisse" (13). Parmi les personnages, dont les oncles, les grands-parents et la rivale de la mère ("l'Africaine," découvret-on avec étonnement, est blanche et blonde!), on trouve également un Mufti pied-noir aigri. Le père explique le comportement brutal de ce dernier par le manque de compréhension de la nation française qui, "revenant de son aventure coloniale, n'avait certainement pas conscience des tragédies familiales et des tourments identitaires que vivaient ceux qui l'avaient défendue et qui étaient rentrés démunis" (126). Le narrateur conclut cette section du récit par une sorte de mise en garde: "Les nœuds de la mémoire ne doivent pas être murmurés ou tus; il faut les tambouriner" (127). Le parcours du roman, jalonné par des titres parfois cocasses ("Le chien qui rit," "Il faut savoir sortir du cercueil [. . .]," "Le feu dentifrice") se termine par la nouvelle de la mort du père. Si l'action se déroule en France, le récit se clôt sur une série de retours en Afrique: celui du père au Cameroun "pour éviter de 'pourrir sur pied' en France" (252); celui du Mufti qui poursuit son étrange aventure à Alger; celui de l'ami marseillais du père, Figuerolles, qui a choisi de s'installer à Mopti, au Mali. La quatrième de couverture...

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