Abstract

En 1994, le plasticien néerlandais Jan Dibbets a, pour rendre hommage au physicien François Arago, installé sur le sol de Paris plus d’une centaine de médaillons de bronze qui forment en pointillés le tracé d’un méridien. Le Méridien de Paris de Jacques Réda, publié peu de temps plus tard, se présente comme le journal d’un spectateur qui a décidé de suivre cette ligne dans l’espoir que, sous l’effet d’une telle contrainte spatiale, quelque chose de non-programmé advienne à l’écriture. Or ce texte montre que la matérialisation de la ligne de longitude, issue d’un calcul géodésique rigoureux, répond tout autant aux injonctions du hasard en faussant régulièrement compagnie à celui qui souhaite la suivre. La ligne droite semble aller de guingois. Sans recul ni horizon pour maintenir l’illusion d’une distance, le piéton doit, tel l’arpenteur, passer par la mesure cartographique et dépasser sa littéralité. L’hommage de Dibbets, anti-monument par excellence, constitue une fiction à peine repérable de l’invisible géographique. Pour Réda, il finit par former une méthode qui fournira à son écriture le flou dont elle a besoin pour se déployer. Ainsi le ‘système Dibbets’ devient un art d’écrire selon une métrique qui autorise la syncope et le pas de côté.

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