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Reviewed by:
  • Exclusions. Practicing prejudice in French law and medicine, 1920–1945 by Julie Fette
  • Silvia Falconieri
Julie Fette. Exclusions. Practicing prejudice in French law and medicine, 1920–1945. Ithaca: Cornell University Press, 2012. 329pp.

Dans cet ouvrage, Julie Fette conduit une analyse fine des pratiques d’exclusion mises en place par les corps des médecins et avocats français entre la Première Guerre mondiale et la chute du régime de Vichy afin de réduire l’accès des naturalisés et des étrangers à l’exercice des professions médicales et juridiques. Pour l’auteure, il s’agit moins d’étudier les moments institutionnels qui ont ponctué cette exclusion que de montrer jusqu’à quel point ces pratiques peuvent être lues comme une réponse, émanant du bas, à une crise identitaire que les médecins et les avocats ressentent déjà sous la Troisième République. La démocratisation de l’accès aux professions et aux études universitaires, l’introduction de mesures pour assurer la tutelle de la santé des plus démunis, l’intrusion croissante de l’État dans la réglementation de l’accès à ces professions sont autant d’éléments à l’origine de cette crise. [End Page 440]

L’auteure décrit ainsi une véritable stratégie « d’auto-conservation » mise en place par les deux corps professionnels. L’exclusion des étrangers et des naturalisés semble moins résulter des attitudes xénophobes que d’un choix délibéré parmi d’autres exclusions possibles. En rebondissant sur l’idée selon laquelle l’absence ou la faiblesse du lien social est à l’origine de l’exclusion 1, Fette montre qu’à la différence d’autres cibles potentielles, telles que les femmes et les professionnels de plus de soixante ans, l’exclusion des étrangers et des naturalisés recueille un plus large consensus au sein du corps médical et du barreau.

Grâce à un travail méticuleux sur les fonds d’archives publiques et les publications des associations étudiantes, des médecins et des avocats, l’auteure nous dévoile la manière dont l’usage d’arguments xénophobes dans le discours des médecins et des avocats se greffe sur le mythe d’une saturation au sein de ces deux professions, qui se construit au mépris des données officielles.

Fette analyse soigneusement le mécanisme qui préside au maintien de l’équilibre entre la législation réglementant l’accès aux professions et les pratiques d’exclusion menées par les acteurs. Durant les années 1920–1930, la définition légale des catégories de naturalisé et d’étranger répond de manière plus directe aux attentes des acteurs. Ainsi par exemple de la loi Armbruster du 21 avril 1933, qui requiert la nationalité française pour l’exercice de la profession médicale, et de la loi du 3 juillet 1934, qui exclut du barreau les naturalisés de moins de dix ans. En revanche, certaines des mesures législatives adoptées par le gouvernement de Vichy à l’égard des étrangers, des naturalisés et des juifs creusent un décalage entre les catégories juridiques et l’image que les acteurs sociaux se font de ces mêmes catégories. La notion de naturalisé né de père étranger (le 16 août 1940 pour les médecins et le 10 septembre 1940 pour les avocats) et les exemptions à l’application du Statut des Juifs ne coïncident pas parfaitement avec la manière dont les professionnels du barreau conçoivent l’assimilation. La marge de manœuvre dont disposent le barreau et l’ordre des médecins quant à la gestion de l’accès à la profession, et la présence massive de représentants de médecins et d’avocats dans le milieu politique, favorisent l’adéquation des définitions juridiques aux exigences des deux ordres professionnels. Dans le même temps—et c’est là une question qui retient un peu moins l’attention de l’auteure—les catégories juridiques et le discours du droit, par le biais d’un « rémodélage...

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