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Politique, poétique et quête mystique dans la poésie d’Aimé Césaire Lilyan Kesteloot D EPUIS LES ANNÉES 60, en Afrique et ailleurs, nous avons sou­ vent entendu reprocher à Césaire le fait de produire une poésie d’une violence extrême et de pratiquer une politique différente, prudente, et modérée. Nous avons tenté, nous le faisons encore à l’occa­ sion, d’expliquer que écrire et agir sont aussi des choses différentes, et qu’il est classique qu’on réalise dans l’écriture (ou l’art en général) au niveau de l’imaginaire, ce que l’existence concrète vous empêche d’entre­ prendre ou de faire aboutir. Pour un Maïakowski qui eut la chance de faire consonner sa poésie avec la révolution russe qu’il était en train de vivre, que de poètes contraints de refaire le monde dans leurs poèmes exclusivement, cependant que l’environnement politique et l’histoire les ignorent. Voyez Rimbaud! Césaire se situe à mi-chemin de ses deux aînés. Car dès le début, dès le Cahier, il a rassemblé idéal politique et création poétique en un faisceau d’œuvres éblouissantes qui ont zébré d’éclairs le ciel négro-africain francophone de ces trente dernières années. On le considéra tour à tour comme le poète surréaliste et subversif, opposant du régime de Vichy installé en Martinique durant la guerre, puis comme le militant communiste qu’il fut durant quatorze ans. Ensuite il fut perçu comme le chef de file du mouvement de la négritude à visée panafricaine et décolonisatrice—et cela demeure son image de marque sur le Continent Noir. Enfin il créa le P.P.S. et devint le chef d’un parti nationaliste martiniquais réclamant l’autogestion puis l’autonomie. —Et durant tout ce temps il assuma la charge de députémaire de Fort de France; tant à l’Assemblée Nationale parisienne où il défend les intérêts de ses électeurs, que dans son île où il a réussi à faire de cette ville “ cage et marécage” , cauchemar ancien de ses “ petits matins” du Cahier, la cité florissante que l’on admire aujourd’hui. Voilà pour la politique, la praxis. Cependant que sa poésie s’était investie totalement dans ce vouloir passionné et têtu de changer l’homme noir, de le désaliéner, de le délivrer des complexes dûs à son histoire traumatisante, de redresser l’esclave enfin et, avec ses mots, “ d’acclimater un arbre de soufre et de lave chez un peuple de vaincus” . Vol. XXXII, No. 1 7 L ’E sprit C réateur Ainsi cette longue carrière d’activités publiques jamais interrompues par quelque année sabbatique, se ponctua de poèmes, de pamphlets, de discours sur le colonialisme, d’essais historiques, et de pièces de théâtre; Christophe, Lumumba, les hantises du passé antillais, les angoisses du futur africain. Et puis toujours et encore des poèmes. Cette activité lit­ téraire fut discontinue par contre, mais toujours renaissante, car répon­ dant à une nécessité intérieure autant qu’à une postulation extérieure. Exemple? les pièces de théâtre: Césaire écrivit Le Roi Christophe sous la double impulsion du souvenir d’Haïti et des Indépendances africaines. Mais à partir du moment où Jean-Marie Serreau s’en empara, cela devint un travail collectif entre auteur, acteurs et metteur en scène. Césaire changea des répliques, introduisit des épisodes, étoffa des personnages en fonction des idées et des réactions de ce laboratoire qu’était devenu le Théâtre de la Tempête. D’ailleurs la dite Tempête tout comme La Saison au Congo, furent écrites pour la troupe nègre de Jean-Marie, à leur demande expresse, et la quatrième pièce qu’il avait entamée fut interrompue par la mort de Serreau, Césaire ne la termina jamais car il avait perdu ce frère du cœur qui...

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