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Magie et métaphores félines dans le Miroir des limbes Béatrice Stiglitz L ORS D’UN ENTRETIEN avec André Malraux en 1971, Nicolas Hewitt le questionne sur l’importance du farfelu dans son œuvre. Malraux répond: “C’est simplement qu’un homme peut aimer deux choses, le tragique et le comique, ce qui n’implique pas qu’il faut nier ni l’un ni l’autre. C’est comme moi avec les chats d’ailleurs” .1Dans un autre entretien, il précise: “Le chat, comme l’araignée, est l’animal le plus ancien de la terre” .2Nombreux—comme nous allons le voir—dans toute l’œuvre de Malraux, les chats, archétypes venus du fond des temps, ne cessent de le fasciner. On trouve l’image du chat avec ses valeurs symboliques dans les mythes, les légendes et les contes les plus anciens de cultures très diverses. Il y a des chats non seulement en Egypte et en Chine—nous allons y revenir—mais aussi en Ecosse où des mégalithes sont connus sous le nom de “rochers du chat”; en Irlande où il incarne la forme animale des fées; dans les pays scandinaves où la déesse nordique Freya se transporte dans un char tiré par un attelage de chats; en Suisse et en Hollande où le chat est une allégorie de la liberté; et même en France, où le chat figure au blason de la Première République et sur le tableau de la Constitution de Proudhon. A la frontière belge, existe un mont des “cats” . L’astronome Barode a donné le nom de “chat” a une constellation. Les Musulmans, qui traitent fort mal les chiens respectent les chats en souvenir d’une femme. On raconte qu’un jour, alors que priait la fille du Prophète, un chat vint s’enrouler pour dormir sur le pan de son manteau. Quand elle voulut se relever, elle vit le chat et, pour ne pas le réveiller, demanda des ciseaux et coupa son manteau; le souvenir de ce geste féminin protège les chats de l’Islam misogyne.3 C’est surtout dans les mythes de l’ancienne Egypte que le chat, sous le nom de la déesse Bastet, joue pleinement son rôle de symbole mystique et magique, en rapport avec la création et le destin des hommes. Divinité androgyne, incarnation animale, elle participe des principes, féminin et masculin, lunaire et solaire, dont elle est issue et avec lesquels elle con­ stitue la trinité Sechmet-Bast-Râ. Elle est connue comme “l’œil flam­ boyant du soleil” . Et puisque le mot égyptien qui signifie “œil” est Vol. XXXIV, No. 3 107 L ’E sprit Créateur féminin, la nature androgyne de la déesse est respectée. Bastet, dont la figure féline symbolisait le calme et la douceur pouvait se transformer en Sekmet, déesse furieuse et sanguinaire à tête de lion. Des stèles du nouvel Empire montre qu’un culte fut rendu au Grand Matou, un des épithètes d’Amon-Râ. Le chat solaire égyptien se trouvait souvent à l’ombre de l’arbre de Persée, l’arbre de la vie et de la conscience. En outre, il avait aussi une seconde vue, réputation originaire de son aptitude à voir dans la nuit. Plutarque écrit que la figure humaine représentée sur une pierre de forme féline symbolise les phases de la lune, qui sont réglées par la sagesse et la compréhension divine. Le chat, associé à la lune, aux déesses lunaires Isis, Artémis, Hécate, Diane, Vénus, Freya, Halda, devient donc symbole de vérité, comme en témoigne le scarabée orné d’une tête de chat et portant l’inscription: “Bastet est vérité” . Le chat est enfin symbole d’éternité car, lorsqu’il dort couché en rond, la tête touchant la queue, il forme un cercle parfait sans commencement ni fin, analogue au serpent sacré. Quand on le représente avec des ailes et une tête d’aigle, il annonce l’essor de l...

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