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Le centre absent Introduction N ÉE à ARRAS, Micheline Tison fit ses études de lettres à la Faculté de Lille. Agrégée de lettres classiques en 1937, elle débute cette même année au lycée français de Londres. Surprise par la guerre en Angleterre, elle passe en 1942 à la BBC dans les services d’information (“Foreign Services”). La guerre terminée, elle reprend, jusqu’en 1947, ses fonctions au lycée français. En 1947, elle s’établit à New York, ville où elle réside toujours, travaillant, en premier lieu, à l’ONU en qualité de traductrice. Puis, elle renoue avec l’enseignement, d’abord au lycée français, et dès 1957, à CUNY-Hunter College et Graduate School. Parallèlement, ses recherches en critique et histoire littéraires se sont traduites par des publications (dont la liste abrégée se trouve à la fin de ce numéro), et l’obtention du Doctorat d’Etat. Entre autres distinctions, Micheline Tison-Braun, Guggenheim Fellow, Officier dans l’Ordre des Palmes académiques, a reçu en 1984 le Prix Jouvenel de l’Académie française pour son étude sur André Malraux. Elle est aussi membre de la Société des Gens de Lettres, de la Société d’Histoire littéraire de la France et du PEN Club. Elle est l’épouse de Lev Braun, journaliste tchèque spécialiste de questions politiques et juridiques qui, aux Etats-Unis, enseigna à l’Université Fairleigh Dickinson. Ce bref relevé biographique, dans sa sécheresse même, fait ressortir l’originalité de la carrière de Madame Tison-Braun. N’ayant point recherché honneurs ni distinctions, ils sont venus à elle. N’ayant point cultivé la popularité, elle est entourée de l’admiration affectueuse de tous, collègues et étudiants. Sans doute ces marques de respect ne peuvent surprendre étant donné le niveau des travaux et de l’enseignement du professeur Tison-Braun. Par contre, ce qui est remarquable, c’est que dans le lien qui se crée spon­ tanément entre elle et son lectorat ou auditoire, il entre un sentiment aussi vif que profond: de la reconnaissance. La reconnaissance d’être initié à une appréhension différente de la littérature. Il ne s’agit pas de l’application d’une grille de lecture tendant Vol. XXXIV, No. 3 3 L ’E sprit C réateur à prouver quoi que ce soit; ni davantage d’un exercice intellectuel brillant, mais vain. La démarche critique de Micheline Tison-Braun pro­ cède d’une vision philosophique du monde indépendante de tout système, bien que tenant compte de tous, et les maîtrisant. D’où l’envergure de l’analyse, rare à une époque de spécialisation, partant de morcellement de la culture. Cette intelligence du texte apte à en démonter les éléments, à les situer dans le contexte historique et les courants de pensée dont ils dérivent, dénote une érudition infaillible. Et aussi une délectation évidente à découvrir, à déchiffrer les œuvres —et à communiquer ce plaisir. Il suffit de s’entretenir un instant avec les anciens élèves de Madame Tison-Braun pour mesurer l’influence de son enseignement. Le rôle déterminant que, sans l’avoir le moins du monde voulu, elle a exercé sur leur existence. Personnellement, je connais des universitaires qui m’ont dit être devenus ce qu’ils sont grâce à ses cours. “En en sortant, on voulait se précipiter à la bibliothèque” : ce compli­ ment, à lui seul, révèle la personnalité de Micheline Tison-Braun, péda­ gogue et critique. Car elle concilie deux qualités apparemment antinomiques, la sagesse (d’Egée) et la passion (de Thésée). En effet, comment ne pas songer à son propos à l’anecdote qu’elle-même relate, l’appliquant à Nathalie Sarraute: Gide conte que Thésée passa son adolescence à chercher les armes d’Achille sous des rochers où son père Egée les avait, disait-il, déposées. Thésée ne trouva rien. Il n’yavait pas d’armes d’Achille. Mais à force de retourner les rochers, il acquit la vigueur de...

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