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L ’E s pr it C r éa te u r Plus précisément, même si la discussion est centrée sur la France, l’Angleterre et l’Allemagne sont invitées à la fête. Pour préparer la scène, il glisse habilement du beau classique au plaire rococo par l’intermédiaire du relativisme, du goût, de la mode, du luxe, du génie enfin. Et c’est ce savant agencement qui caractérise un livre qui invente moins le sujet qu’il ne le présente d’une manière réellement nouvelle. Car si cette progression n’est pas nécessairement logiquement déterminée, elle est au moins métonymique et par là séductrice; on le sent rien qu’à citer les sous-titres: frivolité, présentisme, indifférence, jeu, esprit, clinquant, piquant, galant... autant de caractéristiques, d ’une manière ou d ’une autre, du rococo. Tant l’auteur y fourre de renseignements, que par moments on avance au petit pas. Ce serait un véritable livre de référence s’il y avait un lexique ou un index rerum à la fin: un simple index des noms propres ne fait pas l’affaire. Il a beaucoup lu, et c’est d’ailleurs la variété de ses sources d’époque qui constitue un de ses apports principaux. Il faut en effet avoir beaucoup lu, et surtout les ouvrages les moins connus du grand public, pour écrire un tel livre, et pour la bonne raison que le sujet est fuyant: “ pas de profession de foi en bonne et due forme, aucun manifeste [...], guère d’analyse” (38). Il faut donc aller vers les traités d’esthétique et la presse. Il a par exemple, idée inspirée, dépouillé Le Mercure de France pour voir ce qu’il avait à dire sur le style des ouvrages recensés. On peut cependant demander pourquoi s’arrêter là: pourquoi pas Le Pour et Contre, pourquoi pas L ’Année Littéraire, etc.? Weisgerber reconnaît certains de ses prédécesseurs, surtout Roger Laufer et Patrick Brady; il en néglige malheureusement d’autres, par exemple George Vos (The Rococo and 18th-Century French Literature, 1987). Un côté structuraliste de Weisgerber est proche de Laufer, en soulignant “ ce principe de l’esthétique nouvelle qui veut que le thème ou sujet central soit éclipsé par le foisonne­ ment des ‘accessoires’: bordures, ornements et digressions” (87), et en insistant sur des thèmes déjà recensés tels que l’ouvert et le fermé, la dissymétrie, la ligne serpentine. Mais son approche est différente en ce qu’elle envisage un répertoire complet de tout le territoire européen artistique et littéraire. En attirant l’attention sur le goût du singulier, du bizarre il rejoint sans le savoir un certain côté du récent Before Novels de J. Paul Hunter. Le chapitre le plus inattendu concerne le traitement de la mort dans l’art rococo. C’est avec beaucoup de souplesse mais aussi beaucoup d ’aplomb que l’auteur s’efforce de saisir l’essentiel de concepts même éphémères. Ainsi, le style gracieux doit être projeté “ hors de soi comme un fluide [...]; il présuppose une communication, un concert, une har­ monie” , etc. Mais Weisgerber ne s’arrête pas là, il nuance: le gracieux implique souvent le petit, le joli; la grâce peut être grande mais le gracieux est mignon. En plus, par affinité avec les artistes traités, il décrit quelquefois les phénomènes esthétiques avec une agréable souplesse stylistique analogue à la leur: “ Il apparaît ainsi que le rococo s’infiltra dans la citadelle classique avec un air de ne pas y toucher, spéculant sur son charme pour capter progressivement les faveurs du public. Lorsqu’on s’aperçut de la manoeuvre, après 1730, il était trop tard: l’ennemie était dans la place” (109). Personne n ’a plus complètement embrassé le sujet, personne n’en a tracé une histoire plus suave ou plus judicieuse. P h il ip Stew...

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