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Georgette! de Farida Belghoul: Télévision et départenance Mireille Rosello F ARIDA BELGHOUL est peut-être plus connue en France comme activiste ou comme cinéaste que comme auteur de fiction. Dans son Enquête sur la France multiraciale, Jean-Pierre Moulin présente surtout son film, Le Départ du père, et commente sa participation à “ Convergence” , en 1984.1Quoique cette deuxième manifestation ait eu moins de retentissement que la première marche des Beurs de 1983, la présence de Belghoul à la tête des mobylettes de “ Convergence” lui a sans doute donné, au moins pour quelques semaines, une audience au niveau national. A la fin du parcours, lorsque tous les manifestants se sont réunis à Paris, elle a notamment été chargée de prononcer un dis­ cours au cours duquel elle affirmait: “ Nous ne voulons plus alimenter les fantasmes de 1’‘idéologie nationale’ ” (cité dans Moulin, p. 21). Dans un article intitulé “ Writing for Others: Authorship and Authority in Immi­ grant Literature” , Alec Hargreaves suggère toutefois que pour Belghoul, l’expérience de Convergence représentait une étape relativement décevante qui aurait poussé l’activiste vers la littérature: “ Soon after Convergence 84, Belghoul dropped out of politics altogether and turned instead to literature” .2Pour Belghoul, l’entrée en “ littérature” (c’est-àdire en fiction) se concrétise par la publication de Georgette! roman, le texte qui me sert ici de point de départ.3 Georgette! roman est le long monologue d’une petite fille d’origine berbère qui vit avec ses parents et son frère. D’âge scolaire (comme pres­ que tous les narrateurs des romans “ beurs”), l’enfant se trouve con­ frontée à toutes sortes de discours qui tiennent à lui imposer une identité complexe et problématique. Deux axes symétriques gouvernent cette identité: elle est soit incomplète (la petite Fille ne serait ni assez berbère ni assez française), soit excessive (elle serait à la fois berbère et française, biculturelle , bilingue, bi-nationale, etc.). Je suggère que cette tendance à voir les “ Beurs” ou les enfants d’immigrés maghrébins comme les por­ teurs d’un dualisme qui serait soit un excès d’identité soit un défaut, con­ stitue, en soi, une manifestation d’un discours hégémonique que le roman de Farida Belghoul critique violemment. Le fait que le texte ne nous révèle jamais le vrai nom de l’enfant (Georgette est le nom que lui VOL. XXXIII, No. 2 35 L ’E s pr it C réa te u r donne une voisine qui voudrait lui faire prendre la place de ses fils) me paraît symptomatique de la façon dont les textes de Belghoul refusent de se laisser enfermer dans une certaine définition de l’identité que l’on pourrait épuiser en un nom, en une phrase toute faite. Jamais l’enfant ne se contente de choisir parmi les modèles identitaires que l’école ou la famille ou ses amis cherchent à lui imposer. Le roman nous la présente au contraire comme un personnage vigilant qui ne cesse de lire activement les discours que l’on fabrique à son sujet surtout lorsqu’ils prétendent faire d’elle un élément prévisible, représentatif, typique, d’un certain groupe social. Je voudrais notamment analyser la façon dont Georgette et sa famille lisent la télévision. Installé au centre du foyer, le poste de télévision occupe une place intéressante dans la mesure où il annule l’opposition spatiale entre l’école (cet extérieur perçu comme l’instrument “ d’intégra­ tion” , le symbole de l’occident) et la maison (cet intérieur imaginé comme le lieu de la tradition, de l’Islam, de l’autre et de l’étrangeté). Il m’a aussi paru intéressant de souligner la complexité de la lecture que Georgette fait des programmes télévisés alors qu’il est si fréquent de voir, en la télévision, l’emblème même de la non-culture, de l’abrutissement, le contraire, en...

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