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B ook R eviews Paul Morand. N o u v elles c o m plè te s 1. Paris: Pléiade-Gallimard, 1992. Pp. lxix + 1152. 390 FF. Paul Morand, vers 1944, avait disparu de notre littérature. Il y fait, depuis dix ans sur­ tout, un retour remarqué. Depuis 1980, trois biographies ont paru sur cet auteur. Une demi-douzaine d’études critiques analysent sa contribution au modernisme, à la mode des années folles, au renouveau de l’écriture du voyage et du récit bref. Consécration suprême, ce volume de nouvelles dans la Bibliothèque de la Pléiade, souhaité par l’auteur de son vivant, permet de se faire une idée très précise du Morand des années vingt et trente. Michel Collomb, qui est le maître d’œuvre de cette édition, avait déjà étudié le “ style Morand” dans son ouvrage consacré à La Littérature A rt Déco (Klincksieck, 1987), en montrant comment l’écrivain avait essayé d’intégrer la révolution technologique du XXe siècle à l’art de son temps. Dans l’introduction du volume de la Pléiade, au contraire, Collomb met en évidence l’éclairage “ fin-de-siècle” de Tendres Stocks, et souligne l’influ­ ence de Barbey d’Aurevilly et de Marcel Schwob sur le jeune Morand. Michel Collomb situe ensuite l’originalité du nouvelliste par rapport à Larbaud, Aymé et Colette, avec une étude détaillée de narratologie. Morand, c’est clair, a été un prodigieux inventeur de formes: “ Clarisse” et “ Aurore” sont des pures descriptions qui éliminent l’anecdote et orientent le portrait vers le poème en prose; “ La glace à trois faces” et “ Les amis nouveaux” sont des portraits modernistes où aucune certitude n’est jamais acquise sur la personnalité profonde du personnage central; “ La nuit hongroise” et “ La nuit catalane” sont des témoignages qui, par leur conclusion violente, expriment le pessimisme de l’auteur concernant l’Europe du traité de Versailles; “ Milady” ou “ Parfaite de Saligny” , bourrés d’échos balzaciens, se rapprochent de la longue “ novela” des Espagnols; “ La science amusante” et “ Mr. U” appartiennent au genre fantastique; tandis que “ Hécate et ses chiens” et “ La clef du souterrain” sont de véritables fables freudiennes. Pour expliquer le succès inouï des premiers recueils de Paul Morand, Collomb rappelle le plaisir que pouvait prendre la petite bourgeoisie laborieuse des années vingt à l’éclate­ ment momentané et burlesque de la structure sociale et des conventions de la Belle Epoque. Morand, mieux que tout autre écrivain de son temps, a su souligner l’incroyable brassage social qui fait suite à la Grande Guerre et capter la transformation des rapports entre les sexes. “ La nuit de Putney” est, à cet égard, emblématique. Collomb note d’autre part la séduction étrange qu’exerce l’écriture de Morand sur le lecteur: l’écrivain utilise souvent la langue de la psychologie essentialiste du XVIIe siècle pour traduire, avec un décalage plein d’ironie, le désordre de son époque et la libération des moeurs d’après-guerre (la nouvelle intitulée “ Éloge de la marquise de Beausemblant” illustre parfaitement cette idée). Enfin Collomb discute le malaise du lecteur contemporain à la lecture des récits de Magie noire. Ces nouvelles, qui décrivent le Noir américain et le Noir des colonies françaises, sont d’un racisme choquant et caricatural. Il est clair que Morand, inspiré par les théories de Gobineau sur l’inégalité des races humaines, était convaincu que la race blanche avait acquis par son énergie le droit de dominer le monde. Mais Morand est aussi l’un des premiers écrivains à poser nettement le problème de la démographie mondiale et de ses répercussions sur les systèmes démocratiques. Des notes critiques savantes mais non pédantes, de nombreux inédits, de précieuses informations tirées des archives de la Bibliothèque de l’Institut, un appendice consacré aux nouvelles d’East India and Company (traduites de l’anglais), font de cette édition un outil de travail pratique, précis et complet. On attend avec impatience le...

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