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Met(s)atextualité poétique: Les biographèmes de Roland Barthes George H. Bauer La critique (métatexte) est évidemment un genre. —Genette, Palimpsestes1 La critique est discours sur un discours; c’est un langage second, ou méta-langage (comme diraient les logiciens). —Barthes, Essais critiques2 Elle cherche à révéler le fonctionnement d’un certain appareil, en éprouvant la jointure des pièces, mais aussi en les laissant jouer. —ibid., p. 271£ £ T~% IOGRAPHÈMES” ne se trouve ni dans nos dictionnaires ni I j dans nos encyclopédies. Il reste jusqu’aujourd’hui situé entre guillemets, appétissant dans son ambiguïté. Il faut ouvrir les guille-mets, c’est un mot à savourer. C’est Roland Barthes en amateur, en amator, en peintre, qui achetait toujours ses couleurs “ au seul vu de leur nom” .3 On pourrait prendre son plaisir pas simplement dans les noms des couleurs mais aussi dans les noms des plats créés par des chefs innovateurs dans leurs menus et dans leurs livres de cuisine. “ Biogra­ phèmes” , c’est un mot pluriel, comme on verra plus loin. Pour Barthes, “ le nom est alors la promesse d’un plaisir, le programme d’une opéra­ tion: il y a toujours du futur dans les noms pleins” (RB/RB, p. 133). Il s’explique: Lorsque je dis qu’un mot est beau, lorsque je l’emploie parce qu’il me plaît, ce n’est nulle­ ment en vertu de son charme sonore ou de l’originalité de son sens ou d ’une combinaison “ poétique” des deux. Le mot m’emporte selon cette idée que je vais faire quelque chose avec lui: c’est le frémissement d’un faire futur, quelque chose comme un appétit. Ce désir ébranle tout le tableau immobile du langage, (ibid.) Donc le petit “ a” et l’appétit apparaissent dans le palais de notre désir de cuisiner avec R.B. et de partager sa “met(s)atextualité” p poétique. Frédéric le Grand dans son invitation à souper (— ) envoyée â en lettres minuscules à un François-Marie Arouet, invitation désinvolte qui n’a pas laissé le philosophe bouche bée mais a provoqué un 68 Su m m e r 1991 B a u er “ répond” alphabétique qui plaît, un “ répond” qui marie le grand et le petit dans une macédoine pour être goûtés dans le futur de son grand appétit. Ga. Ga. Nous sommes séduits par ces riens, par ces lettres qui forment un mot à la bouche, “ biographèmes” . Dans la restauration, dans le restaurant R.B., le plaisir est une perversion de langage et d’amour qui va nous séduire. Parler, oui. Embrasser, oui. Goûter le thé, goûter le “t” de l’autre, oui. La “ met(s)atextualité” critique se loge dans la bouche, lieu de genèse et de disponibilité. Imaginons à cette double fonction, localisée en un même lieu, une transgression unique, qui naîtrait d’un usage simultané de la parole et du baiser: parler en embrassant, embrasser en parlant. Il faut croire que cette volupté existe, puisque les amants ne cesse de “ boire la parole sur les lèvres aimées.” Ce qu’ils goûtent alors, c’est la lutte amoureuse, le jeu du sens qui éclot et s’interrompt: la fonction qui se trouble: en un mot le corps bredouillé. (RB/RB, p. 144). Le mot “ corps” pour Barthes, c’est un “ mot-mana.” Une manne. Un mot à la bouche est toujours incorporé, un mot, qui à travers le temps, se forme dans l’embrasure, un mot bredouillé au début dans l’embarras de son insistance et de sa nécessité. Barthes pose ainsi la ques­ tion: “ Dans le lexique d’un auteur ne faut-il pas qu’il y ait toujours un mot-mana, un mot dont la signification ardente, multiforme, insaissisable et comme sacrée, donne l’illusion que par ce mot on peut répondre à tout?” (RB/RB, p. 133). C’est en vivant avec Barthes, comme il vivait avec Sade, avec Loyola, avec Fourier, en nous...

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