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Aspects du personnage simonien: Corinne Aline Baehler A PARTIR D’ORION AVEUGLE, Claude Simon abandonne la problématique de la représentation (le fameux “comment étaitce ?” de La Route des Flandres), à l’instar des grands peintres de la fin du siècle dernier qui, dit-il, ont renoncé à commenter un objet préexistant à leur travail pour se contenter de le poser, tel qu’ils le ressentaient. En quoi cet investissement dans le présent de l’écriture constitue-t-il un tournant décisif dans le traitement du personnage romanesque? Les rapports intertextuels qu’entretiennent certaines œuvres simoniennes entre elles permettent que l’on s’attache, pour la suivre, à la figure féminine de Corinne. Ce personnage apparaît pour la première fois dans La Route des Flandres, est repris dans Histoire pour être finalement dissous avec Triptyque. L’étude de ces trois textes, on va le voir, met à jour la trajectoire d’une forme radicalement neuve, et en perpétuel devenir. La Route des Flandres: Une héroïne de guerre. Corinne présente, à sa genèse dans La Route, les nombreux attributs de l’acteur du roman dit “réaliste” . Un portrait stéréotypé de la jeune femme se dégage des racontars de Sabine et d’Iglésia, pour éclater bientôt sous l’affabulation de Georges et de Blum. Erigé par un faisceau de perspectives différentes, le personnage se construit peu à peu, pour aussitôt contaminer (et être contaminé par) d’autres réalités qui fonction­ nent comme doubles: femmes rencontrées pendant la guerre, figures mythologiques, ou encore ancêtre de Georges. “L’effet-Corinne” se développe ainsi au sein d’une structure complexe agençant d’autres éléments, auxquels le personnage est étroitement lié. Aussi n’est-il bientôt plus question de Corinne, femme du capitaine, mais bien de la femme en général, qu’une seule réalité ne suffit à dire (“une idée de femme”, dira Georges, rêvant après Léda, tandis que Blum, lui, affirme “qu’elles ne pensent qu’à ça”). Ces différentes figures n’en constituent en fait qu’une seule, à savoir que plusieurs aspects d’un même “objet-référent” (la femme) morcellé, divisé, sont disséminés dans le texte mais rassemblés au sein d’une struc­ ture qui donne le cadre d’une possible formulation totalisante. “La Vol.XXVII, No. 4 27 L ’E sprit Créateur femme, ça ne peut s ’écrire qu’à barrer le La ”, disait Lacan. Faute de pouvoir, à l’instar de Don Juan, les prendre les unes à la suite des autres, Georges, à sa manière, tente d’en formuler l’impossible symbole dont la figure, ou plutôt les figures se dégagent au travers de l’affabulation. Il ne s’agit en effet pas de savoir ce qu’il en est réellement de Corinne, à la fois inventée dans le langage de ces hommes, et fantasmatiquement retrouvée. Dans l’opération de transmutation, de métamorphose que Georges et Blum accomplissent autour de ce nom, il importe peu que les représenta­ tions élaborées entretiennent une quelconque relation avec la réalité, à savoir le véritable “dessous” du personnage que Georges, soi-disant, est en quête de découvrir. Pour Simon, on le sait, le sens n’est pas à retrouver: il se produit. Georges, lorsqu’il rencontre enfin Corinne “en chair et en os” (le personnage pseudo-référentiel que le texte donne en pâture au lecteur), la fameuse veuve du capitaine, censée contribuer à l’établissement de la vérité sur le “suicide” de Reixach, Georges donc refuse de la voir telle qu’elle est, pathétique et éplorée: fermant les yeux, c’est encore sous les traits de Léda, Déjanire, Gaïa et Danaé; sous l’image de la mère, de la mangeuse d’hommes et de la putain, que la jeune femme lui apparaît. Tout comme le lecteur, il n’en saura rien de plus; sortant de son songe éveillé, ébloui (aveuglé), il n’a que le temps d’apercevoir un visage inconnu se...

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