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Textus ex machina (de la contrainte considérée comme machine à écrire dans quelques textes de Georges Perec) Bernard Magnê “ Je soupçonne dessous encor quelque machine.” La Fontaine J ’AIME MULTIPLIER LES SYSTÈMES DE CONTRAINTES lorsque j ’écris: ce sont les pompes aspirantes de mon imagina­ tion.” 1De cet aveu, on déduira que pour Georges Perec, les con­ traintes jouent un rôle important dans l’écriture et qu’on peut les assimiler, au moins par le biais d’une métaphore, à des machines. C’est cette métaphore que je voudrais interroger, en la confrontant à l’usage de la contrainte dans quelques textes de Georges Perec. D’où mon soustitre , qui mène à la question: la contrainte est-elle une machine à écrire? I. De la machine... Selon le dictionnaire Robert la machine est un “ objet destiné à trans­ former l’énergie et à utiliser cette transformation” . Envisager la con­ trainte comme “ machine à écrire” revient donc à lui assigner pour tâche la transformation d’un matériau grâce à un travail susceptible de pro­ duire un objet nouveau, au terme d’un processus calculable et program­ mable. On va le voir: c’est assez souvent le cas chez Georges Perec. Du matérialisme—Une fois rappelé que le matériau à transformer est la langue, on constate que les contraintes perecquiennes ne s’appliquent pas indifféremment à tous les aspects de la langue, mais travaillent de façon privilégiée sa dimension matérielle, ses signifiants. Mieux: dans les signifiants, c’est avant tout l’aspect graphique, la lettre, le caractère typographique qui est soumis à la contrainte. D’où l’intérêt de Perec pour le lipogramme2, le palindrome, le tautogramme, et plus générale­ 1. Les Nouvelles littéraires, n° 2655 (oct. 1978), p. 32. 2. Perec considère la lipophonic (interdiction d’un son) comme une des formes héré­ tiques du lipogramme, cf. Histoire du lipogramme, in OuLiPo, La littérature poten­ tielle (Paris: Gallimard [Idées], 1973), p. 92. 60 Winter 1986 M a g n é ment pour l’anagramme sous toutes ses formes, et, à l’inverse, l’absence quasi-totale dans son œuvre de métathèses phoniques comme les contre­ pèteries. A l’égal de la machine, la contrainte perecquienne a besoin, pour produire, d’une matière première: c’est, très massivement, le graphisme, c’est-à-dire la partie la plus immédiatement concrète et visible des signes linguistiques. Il n’y a là rien de fortuit. Comme il existe, philosophiquement parlant, des liens très forts entre mécanicisme et matérialisme, l’écriture perecquienne, dans la mesure où elle utilise systématiquement le réglage mécanique de contraintes formelles, a partie liée avec une conception matérialiste du texte. Des transformations—Les contraintes formelles utilisées par Georges Perec fonctionnent comme des transformateurs dont on peut esquisser quelques opérations. —La plus mécanique et la plus élémentaire de ces opérations consiste en une “ traduction typographique” : l’une des “ 15 variations discrètes sur un poème connu” (la chanson de Gaspard Hauser, de Verlaine) est obtenue par “ remplacement de la sphère IBM «Letter gothic» par la sphère IBM «Symbol 12»” , ce qui a pour effet de changer par exemple “ Je suis venu, calme orphelin” , en e

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