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Les machines pataphysiques de Maldoror et leurs groupes de transformation Michel Carrouges U N BÂTON, UNE FRONDE, UN REVOLVER sont des armes sans mystère. Dans Les Chants de M a ld o r o r cependant, Lautréamont les transforme en machines fantastiques pour des combats victorieux contre le jeune Mervyn, contre un “archange” , transformé en “ crabe-tourteau” et contre le “ Tout-Puissant” trans­ formé en rhinocéros. Ce récit prodigieusement poétique et délirant, est-il purement absurde? Ou bien ces machines sont-elles le produit de mécanismes logiques? I. Le bâton ricocheur contre l’archange-crabe (Ch. VI) Maldoror veut assassiner le jeune Mervyn. Le “Tout Puissant” envoie un de ses “ archanges” pour sauver Mervyn. Bien que la plus grande partie de l’histoire se passe à Paris, l’épisode de la rencontre entre l’archange et Maldoror se situe “ au bord de la mer” , là où un vecteur d’amplification parti de la fontaine StMichel à Paris, aboutit au Mont St-Michel (sans le nommer). Au moment de la rencontre, Maldoror se tient debout sur une plage. L’archange descend en face de lui, sur un écueil, à 3 km de la plage. Il ne porte ni robe comme les anges de Giotto, ni armure et épée comme la statue de Saint-Michel. Il s’est déguisé en “ crabe-tourteau” géant, grand comme une vigogne (c’est-à-dire comme un chevreuil). Malgré les 3 km de distance et le bruit des vagues, l’archange inter­ pelle Maldoror pour lui rappeler qu’il avait été le premier des chérubins dans le ciel, avant de se révolter comme Satan, par un fol orgueil, et d’être jeté sur la terre où il était devenu un bandit. Pourtant l’archange se montre plein de bienveillance, et propose à Maldoror de se repentir et de reprendre place parmi les chérubins. 1. Les Chants de Maldoror (Paris: José Corti, 1969). 16 W in t e r 1986 C a r r o u g es Maldoror entend très bien. Pour toute réponse, il lance avec force le bâton qu’il tient à la main pour le faire ricocher sur les vagues et frapper à la tête l’archange-crabe. Celui-ci est mortellement blessé. Maldoror a le champ libre. II. Le coup de revolver contre le Tout-Puissant rhinocéros (Ch. VI) Le Tout-Puissant se hâte de descendre sur la terre pour remplacer l’archange vaincu et sauver Mervyn. A Paris, rue de Castiglione, méta­ morphosé en rhinocéros, il se précipite vers la place Vendôme. Il est grand temps. Du haut de la Colonne Vendôme, Maldoror se prépare à pendre Mervyn. Voyant le rhinocéros, Maldoror “ arma son revolver, visa avec soin, pressa sur la détente... La balle troua sa peau comme une vrille.” La mort “ aurait dû infailliblement suivre” mais contenant “ la substance du Seigneur” , le rhinocéros fut seulement contraint de se retirer. Maldoror était définitivement libre d’assassiner Mervyn. III. La fronde géante lance Mervyn dans le ciel de Paris (Ch. VI) Ici le processus est plus long et plus complexe, car il se développe en deux phases. Dans la première, la rencontre de la victime et de l’assassin sert de modèle physique d’origine pour sa transformation en “collage” symbolique de mort, selon des fantasmes de l’assassin. Et c’est ensuite ce collage imaginaire qui servira de modèle pour sa transformation en mécanisme monumental d’exécution. 1) Modèle physique d ’origine—A Paris, à l’angle de la rue Vivienne et de la rue Colbert, au pied de la Bibliothèque Nationale, Maldoror aperçoit, par hasard, Mervyn, un jeune anglais de 16 ans et le trouve “ beau” . Ce serait tout simple, si Maldoror n’ajoutait aussitôt des “ comparai­ sons” radicalement opposées. 2) Série croissante de transformations contradictoires—Après avoir comparé la “ beauté” de Mervyn à des mécanismes physiologiques, puis à un piège à rats, il le déclare: ‘‘Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection, d’une machine à coudre et d’un parapluie...

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